Obligations : Julien Eberhardt analyse le marché

22/08/2024 - source : Gestion de Fortune

PERF ANNUELJulien Eberhardt, gérant de fonds au sein de l’équipe Invesco Fixed Income Europe, partage ses réflexions sur l’état du marché obligataire.

 

 

Une performance annuelle de + 6,6 %

2024 apparaît comme une nouvelle année « animée » sur le marché obligataire. Au deux tiers de l’exercice, Julien Eberhardt fait le point.

« Je pense qu’il faut commencer par évoquer les taux d’intérêt, fait observer le professionnel d’Invesco spécialisé sur le marché obligataire européen. Nous accordons beaucoup d’importance à la duration et aux banques centrales. Les rendements des obligations gouvernementales évoluent comme l’an dernier dans une fourchette assez large.

Dans cet environnement volatil, l’orientation générale est celle de taux élevés. Les marchés sont passés de l’intégration de six baisses des taux de la Réserve fédérale américaine à l’idée qu’il n’y en aura peut-être pas une seule cette année ! Les choses ont été un peu plus stables sur le marché des taux européens, mais nous sommes quand même passés d’anticipations de baisses des taux cumulées de 150 points de base à seulement 50 points de base. »

Pour le gérant, le contexte macroéconomique facilite la tâche de la Banque centrale européenne. La croissance étant plus lente en zone euro, la BCE a davantage de raisons d’abaisser ses taux, d’autant plus que la baisse d’inflation attendue lui confère une marge de manœuvre.

Si les taux se maintiennent en l’état, le rendement obtenu sera « honorable ».

Si les anticipations de baisse des taux augmentent, les portefeuilles bénéficieront d’une hausse en capital. Supérieure à celle du marché (4,5), la duration de l’Euro Corporate Bond Fund, par exemple, est actuellement de 5,3. Ce qui peut s’interpréter comme un signe de confiance.

Ce fonds, dans lequel la proportion des émetteurs les mieux notés a été augmentée, contient des obligations d’entreprises de court terme (4,4 % de rendement), ainsi que des liquidités (qui rapportent du 3,5 %). A l’autre extrémité du spectre, il y a près de 2 % de haut rendement.

Par ailleurs, l’exposition au titres bancaires « senior » n’a jamais été aussi forte. Un pari sur la valorisation doublé d’une option « attrayante » sur la base du rapport risque/rendement. Sur un an, à fin juillet, la performance du fonds, après deux années de vaches maigres, est de + 6,6 %.

Le début d’une période de tensions

Aux Etats-Unis, la croissance résiste bien et les retombées « continues » des mesures budgétaires font craindre le risque que l’inflation ne reste durablement plus élevée.

« Je suis donc plus optimiste vis-à-vis des taux européens, souligne Julien Eberhardt. Mais il est important de rappeler que ne pas détenir de duration en dollar ne veut pas dire que le marché des bons du Trésor n’influence pas votre portefeuille. Si les bons du Trésor subissent un fort mouvement, les Bunds en seront impactés. »

Le professionnel se dit « satisfait » du rendement du marché du crédit, bien qu’il admette ne pas savoir si, individuellement, les obligations se trouvent à des niveaux « attractifs » au point de renforcer le risque de crédit, vu que les spreads se sont nettement resserrés.

« Le rendement, explique-t-il, relève davantage des taux que des spreads, mais il faut être prudent et éviter les problèmes. Je crains que nous ne nous trouvions au début d’une période de tensions sur le marché du crédit. Les conditions économiques sont meilleures que prévu, mais la conséquence, moins positive, est que les taux restent élevés plus longtemps. Un obstacle pour les entreprises qui refinancent leurs dettes. »

Enfin, le spécialiste des taux d’Invesco révèle une opinion qui n’est pas la plus répandue : « Nous tenons compte des notations et nous aimons apprendre du travail effectué par les agences de notation, mais nous ne sommes pas esclaves des notes. Nous effectuons avant tout un travail de sélection des obligations et nous avons cette souplesse qui permet de regarder au-delà de l’univers investment grade. Globalement, conclut-il, nous nous trouvons dans un environnement favorable aux obligations. Mais je pense qu’il pourrait y avoir de meilleures opportunités si nous étendions la portée du risque. »

ML