Les fonds non cotés ont longtemps été réservés aux institutionnels et aux investisseurs professionnels des family offices, avec des seuils d’accès élevés. Ce n’est plus le cas. Les épargnants individuels peuvent désormais y investir plus facilement via l’assurance-vie.
Le Private Equity – c’est-à-dire l’investissement dans les entreprises non cotées en Bourse – se démocratise à grands pas. S’il en fallait un signe tangible, il nous est venu cet automne de Boursorama Banque. Vingt-cinq euros suffisent désormais pour épargner dans le non-coté avec l’assurance-vie de cette banque en ligne. Ce que résume Benoît Grisoni, son directeur général : « Boursorama permet à ses plus de quatre millions de clients d’investir de façon simple et pas chère sur le Private Equity, une classe d’actifs jusque-là réservée à des institutionnels et à une clientèle patrimoniale ». Au menu de cette offre, des fonds communs de placement à risques (FCPR) gérés par Amundi Private Equity Funds, Oddo BHF PE et Eurazeo.
Ce que dit la loi
Le décor est posé. Commençons par quelques clarifications. Les anglicismes rendent parfois compliqués des principes assez simples. Aussi appelé capital-investissement, le Private Equity consiste à prendre une participation dans le capital de petites et moyennes entreprises (PME), généralement non cotées. Le plus souvent, ce sont des fonds spécialisés, gérés par des professionnels aguerris, qui vont choisir et aider les PME, voire des ETI (entreprises de taille intermédiaire), à accélérer leur croissance en allant à la conquête de nouveaux marchés ou en rachetant une autre société. Revenons maintenant un peu en arrière. En France, le Private Equity s’est surtout fait connaître via les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), dont les premiers échantillons remontent à 1997. Sont ensuite venus les fonds d’investissement de proximité (FIP), introduits en 2003. Deux véhicules profitant d’avantages fiscaux à l’entrée, mais dont les résultats financiers n’ont pas toujours fait bonne figure, tant s’en faut. Longtemps réservés aux institutionnels et aux professionnels avertis, les FCPR, composés d’au moins 50 % d’actions non cotées, sont le dernier étage du Private Equity en France. Ce sont eux qui nourrissent désormais l’appétit des établissements financiers. Si l’offre commerciale de FCPR tend enfin à grossir, c’est d’abord le résultat d’une évolution législative.
La loi Macron du 6 août 2015 avait déjà autorisé l’entrée de tels fonds au sein des assurances-vie avec un seuil maximal de 10 % du contrat. Fin 2019, ce plafond était en partie supprimé au travers de la loi Pacte. Soyons précis:conformément au décret n° 2019-1172 du 14 novembre 2019, ce plafond reste de 10 %, hormis pour les contrats de 100 000 euros ou plus, pouvant alors monter à 50 %. Des plafonds appréciés lors du versement d’une prime ou de la réalisation d’un arbitrage. Si, en dehors de ces opérations, l’un de ces plafonds est dépassé, le contrat est réputé respecter ces derniers. Pourquoi cette restriction ? « Pour protéger les épargnants », récitent les autorités publiques. Ajoutons que la loi Pacte permet aussi l’investissement dans des FPCI (fonds professionnels de capital-investissement) au sein d’une assurance-vie. Ce véhicule d’investissement en actifs non cotés a la particularité d’avoir des règles d’investissement allégées, mais reste en général réservé aux investisseurs avertis ou professionnels au vu de son ticket d’entrée (100 000 euros, abaissé à 10 000 euros parfois).
Une quarantaine de FCPR
Le cadre légal posé, soyons résolument pragmatiques. Pour qui veut investir dans le Private Equity, deux solutions émergent principalement. Soit en direct, via des plates-formes de financement participatif, dites de Crowfunding. Soit au travers de fonds d’investissement spécialisés, les fameux FCPR précités. Cette fois, une société de gestion professionnelle et aguerrie poursuit une stratégie d’investissement dans des entreprises, avec un cap défini et suivi dans la durée. On trouve désormais ce type de fonds (à des degrés divers) dans les compte-titres, les plans d’épargne en actions (PEA), l’épargne salariale, les assurances-vie et les plans d’épargne-retraite (PER). Ciblons l’assurance-vie. Sur le marché, le référencement de FCPR dans cette enveloppe (et en parallèle dans le PER qui, juridiquement, est quasi-systématiquement une assurance-vie) compte pour l’heure une quarantaine de FCPR proposés (pas toujours commercialisés, cependant) selon plusieurs fournisseurs de données financières. Certes, c’est encore peu au regard des autres centaines d’unités de compte accessibles. Pour autant, l’offre s’emplit régulièrement. Citons deux cas récents. Cet été, Primonial sortait la version 2 de son fonds PrimoPacte, accessible dès 5 000 euros de versement dans son contrat Target+, assuré par Oradéa Vie. « PrimoPacte 2 permet au client d’investir dans un portefeuille diversifié d’entreprises non cotées, matures et européennes, et vient ainsi étoffer l’univers d’investissement de son contrat d’assurance-vie en complément du fonds euros et des unités de compte, détaille Frédéric Coin, directeur général de la compagnie. En tant qu’assureur, nous avons adossé à Primo-Pacte 2 une liquidité totale permettant au client de disposer de son capital à tout moment, démontrant ainsi notre capacité à répondre aux besoins des assurés. » A noter:ce fonds est aussi accessible dans le PER (plan d’épargne-retraite) de Primonial. Autre exemple frais:en septembre, l’assureur multicanal Suravenir proposait une gamme de fonds non cotés, dite Tremplin, à connotation « finance durable », disponible chez Vie Plus, sa filière commerciale dédiée aux CGP, mais aussi chez ses partenaires distributeurs en marque blanche. Pour Thomas Guyot, son président du directoire, même discours : « Suravenir participe à la démocratisation du Private Equity en rendant très accessibles ces supports jusqu’à présent réservés aux institutionnels ». Et d’ajouter que « par ailleurs, ces fonds répondent en tout point à la politique d’investissement responsable engagée par Suravenir depuis des années pour accompagner la transition énergétique et écologique vers une économie moins carbonée. » D’autres enseignes sont bien avancées sur ce terrain, comme Axa ou Generali. L’assureur italien fut ainsi parmi les précurseurs du non-coté en assurance-vie, avec un premier lancement de FCPR en 2017 et, depuis, des propositions régulières, toutes avec une liquidité garantie du fonds en cas de rachat par l’épargnant. Un détail d’importance, nous y reviendrons plus loin.
Les raisons de l’engouement
Tous les professionnels le disent, investir dans le non-coté trouve un écho croissant chez les épargnants. Côté chiffres, sur les 4,8 milliards d’euros collectés par les fonds de Private Equity auprès des particuliers et des family offices l’an dernier, 515 millions provenaient d’unités de compte des contrats d’assurance-vie, selon des estimations de France Invest, l’association des investisseurs pour la croissance. Pourquoi cet attrait nouveau ? Les réponses sont multiples. Première d’entre elles, la performance financière, juge de paix de tout placement. Le vivier de PME et ETI françaises .
Le paysage des entreprises en France Investir dans le Private Equity, c’est s’intéresser à la vie des entreprises de petite taille (voire moyenne). Selon des données publiées par l’Insee en décembre 2021, on dénombrait en France 4,1 millions d’entreprises en 2019. Dans le détail, 700 000 relèvent des secteurs de l’enseignement, de la santé, de l’action sociale ou associative, 100 000 sont des exploitations forestières, des auxiliaires de services financiers et d’assurance et des holdings, et surtout 3,3 millions composent les secteurs principalement marchands, non agricoles et non financiers. Dans ce lot de 3,3 millions, la quasi-totalité sont des PME (petites et moyennes entreprises), dont un tiers sont des microentrepreneurs, bénéficiant de formalités comptables et fiscales simplifiées. Par définition, une PME occupe moins de 250 personnes et a un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros (ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros). Les microentreprises occupent moins de 10 personnes, et ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros. En 2019, la France comptait 5 500 entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces dernières occupent 250 à 4 999 salariés et comptabilisent un bilan inférieur à 2 milliards d’euros. A noter que sont également qualifiées en ETI les entreprises occupant entre 1 et 249 salariés et ayant soit un chiffre d’affaires compris entre 50 millions et 1 500 millions d’euros et un total de bilan de plus de 43 millions d’euros, soit un chiffre d’affaires de plus de 1 500 millions d’euros et un total bilan compris entre 43 et 2 000 millions d’euros.
(cf.encadré « Le paysage des entreprises en France ») offre d’excellentes opportunités d’investissement, à condition de disposer d’un horizon de placement à long terme. « Dans un contexte marqué par l’inflation et la morosité des Bourses, la promesse de gains du Private Equity incite les gestionnaires d’actifs à en parler davantage pour doper le rendement d’un portefeuille et dans une optique de diversification, analyse Bernard Tourmente, fondateur d’Althos Patrimoine. Le Private Equity vole de record en record. Les acteurs français du secteur ont levé 24,5 milliards d’euros l’an dernier (2021, ndlr). Longtemps chasse gardée des investisseurs institutionnels, le Private Equity se démocratise avec des fonds ouverts aux particuliers qui y ont investi plus de 4,8 milliards en 2021. Moins liquide qu’un OPCVM mais affichant des performances souvent bien supérieures en contrepartie d’une prise de risque plus élevée, l’investissement dans le Private Equity répond avant tout à un besoin de diversification du patrimoine et à une stratégie de long terme. » Après la performance vient donc le besoin de diversification de l’épargne, le tout dans une optique longue. Ce à quoi l’assurance-vie et le PER répondent davantage que les compte-titres, avec leur gestion de long terme. Les pros conseillent toutefois de limiter la diversification dans le Private Equity de 5 à 15 % au plus du patrimoine, même si certains poussent le curseur au-delà. Et pour cause, ce placement ne comprend aucune garantie en capital. La durée de l’investissement ? Au minimum sur cinq ans, idéalement de sept à dix années, voire davantage pour des projets liés à des infrastructures. C’est là le revers dont tout épargnant doit être conscient:le Private Equity n’est pas aussi liquide que les marchés financiers.
Des performances attractives
Pour plus de clairvoyance, reprenons maintenant les pièces du puzzle. Côté performance, c’est indéniable, les chiffres sont assez convaincants. Selon France Invest et EY (société experte dans le traitement des données et nouvelles technologies), le gain global du capital-investissement français mesuré à fin 2021 sur des horizons longs fait même des étincelles (cf.graphique « Performance annuelle moyenne sur 15 ans (2007-2021) »). « La performance 2021 du capital-investissement mesurée sur dix ou quinze ans (14,5 % et 12,2 %), en progression notable sur cet horizon dix ans par rapport à l’année dernière, maintient un écart de rendement significatif de l’ordre de trois points par rapport aux indices boursiers CAC 40 ou CAC All Tradable sur l’horizon dix ans, et de six à sept points sur l’horizon quinze ans », analyse Stéphane Vignals, associé chez EY. Robuste, donc. Attention, derrière ces moyennes élogieuses se cachent de fortes disparités selon le type d’opérations.
Ainsi, si la performance annuelle médiane du Private Equity tourne autour de 13 % par an, le premier quartile culmine, lui, à 20 %. Ce qui signifie que les meilleurs fonds obtiennent donc un rendement nettement plus élevé que la moyenne. Ce rendement à deux chiffres vient aussi récompenser la non-liquidité du capital-investissement. Pour retrouver la totalité du capital versé et empocher la plus-value, il faut généralement attendre une dizaine d’années.
Autre point criant, bien que non garantis, ces actifs sont assez indépendants de l’évolution des marchés financiers et boursiers. C’est aussi une raison de leur succès pour Bernard Tourmente : « la relative décorrélation des fonds de capital-investissement des marchés financiers entraîne une volatilité moindre par rapport à la Bourse, dont les évolutions erratiques depuis le début de l’année nourrissent les craintes des investisseurs. Le Private Equity comme les fonds immobiliers non cotés ont montré par le passé une forte résilience. Néanmoins, l’évolution de la situation économique avec un retour de l’inflation et une baisse de la croissance appelle les investisseurs à une plus grande vigilance dans leurs choix d’investissement. » A ce titre, il faudra aussi suivre avec attention les performances à fin 2022 (publication attendue vers mi-2023). Les millésimes en train de se terminer vont sortir au moment où l’activité économique des entreprises composant ces fonds peut être moins bonne qu’il y a quelques mois, ce qui se ressentira potentiellement sur les valorisations.
Retenons que la courbe des rendements d’un fonds de Private Equity a souvent une forme en J, signifiant une valeur liquidative souvent négative les premières années. La raison ? les premiers dividendes ne sont pas encore versés et il faut éponger des frais élevés.
Frais et risque pris : le point
Cette question des frais est incontournable dans un contexte inflationniste criant. Il faut impérativement les appréhender de manière globale à travers le taux de frais annuel moyen (TFAM) d’un FCPR, indiqué dans le document d’informations clés pour l’investisseur (DICI) et qui regroupe les droits d’entrée du fonds, ses frais de gestion, de constitution et enfin de sortie.
Prenons trois exemples de FCPR disponibles dans certaines assurances-vie. Eurazeo Private Value Europe 3, géré par Eurazeo et proposé par plusieurs assureurs-vie (Allianz, Axa, AG2R La Mondiale, Suravenir, etc.) affiche un TFAM de 3,09 %. C’est 5,14 % pour le FCPR Apax Private Equity Opportunités, géré par Apax Partners, et proposé dans les offres de Axa, Sogecap, Swiss Life, etc. Plus de deux fois moins, avec un TFAM de 2,80 % pour Amundi Fleurons des Territoires A, géré par Amundi, et qu’on retrouve dans des contrats du Crédit agricole, de LCL, de Spirica, etc. Aux frais du FCPR s’ajouteront ensuite ceux du contrat d’assurance-vie, avec la ponction sur les versements (0 à 5 %, le maximum légal) et surtout le chargement de gestion annuel, à 0,90 % en moyenne. De quoi peser sur la performance et refroidir quelques ardeurs chez les épargnants. Quid du risque d’un FCPR maintenant ? Dans le DICI, le niveau de risque est porté à son maximum. Pour autant, cette image est-elle un reflet de la réalité ? «Quelles solutions alternatives s’offrent aux épargnants pour conserver un couple rendement-risque optimal ?, s’interroge Maxime Defasy, directeur des investissements d’Althos. La solution semble se trouver dans le non-coté. Une stratégie déjà plébiscitée par les institutionnels qui y accordent plus de 20 % de leurs portefeuilles. Immobilier, dette privée et capital-investissement affichent alors de solides rendements sans accroître la volatilité du portefeuille. Une vaste étude menée par Hamilton Lane, Cobalt LP et Morningstar démontre l’intérêt de s’exposer au Private Equity. Les données de l’étude soulignent une amélioration significative du ratio de Sharpe (un indicateur qui calcule le couple rendement-risque). Ainsi un portefeuille composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations affiche un ratio de Sharpe de 1,31, quand un portefeuille composé de 42 % d’actions, 28 % d’obligations et de 30 % de non-coté (essentiellement du Private Equity et de la dette privée) affiche un ratio de Sharpe de 1,67. Un résultat surprenant compte tenu de l’image risquée du Private Equity. Pourtant les faits sont éloquents:le non-coté, et en particulier le capital-investissement, affiche des performances très supérieures aux autres classes d’actifs sur les deux dernières décennies. » Dont acte.
Liquidité et fiscalité, ce qu’il faut savoir
Private Equity et liquidité ne font pas bon ménage, c’est certain. Pour un investissement en direct, on regardera toujours de près les conditions de sortie. Et avec un fonds d’investissement, sauf cas de sortie anticipée prévue, il faut s’attendre à une immobilisation des capitaux sur plusieurs années. Les porteurs de parts pourront récupérer leur mise et les plus-values éventuelles quand le désinvestissement aura été achevé. Toutefois, dans le cadre d’une assurance-vie, certaines compagnies garantissent la liquidité, avec des rachats possibles à tout moment. D’autres demandent une période de conservation de cinq ans et, dans le cas contraire, une pénalité de sortie s’appliquera. Les fonds de Private Equity demandent en général des frais de sortie de 5 % au cours des cinq premières années à partir de la souscription du fonds, que le désinvestissement ait lieu par rachat ou arbitrage. Cette contrainte incitera évidemment les épargnants à s’inscrire dans la durée. Notons qu’en cas de décès de l’assuré, lorsque les capitaux sont versés aux bénéficiaires désignés, les frais de sortie ne s’appliquent normalement pas. Du reste, les bénéficiaires désignés peuvent percevoir des titres ou parts de fonds de Private Equity, ce qui peut leur éviter de sortir dans une mauvaise période lorsque la valeur liquidative des fonds est basse.
Reste la question fiscale. Elle se résume assez simplement. Pour une souscription en direct d’un FCPR, les plus-values sont exonérées d’impôt à la sortie (mais pas de prélèvements sociaux) à condition d’avoir conservé le fonds pendant cinq années a minima. Pour une souscription dans une assurance-vie s’appliquera la fiscalité sur les retraits propre à l’enveloppe, à savoir 12,80 % sur les plus-va-lues comprises dans le retrait les huit premières années, 7,50 % passé huit ans (sauf cas spécifiques), toujours hors prélèvements sociaux.
Une classe d’actifs méconnue
Tous ces éléments auraient, semble-t-il, de quoi motiver les épargnants à s’intéresser au non-coté. On est toutefois encore loin du compte, selon un sondage Bpifrance-Opinion Way réalisé à l’été 2022 auprès de catégories socioprofessionnelles supérieures. « La classe d’actifs est globalement peu connue du grand public et mal positionnée en termes de risque et de rendement par les Français », explique Yoann Caujolle, Managing Director investissement et développement au sein de l’équipe fonds de fonds de Bpifrance.
Aux dires du baromètre, seules 20 % des personnes disent connaître plutôt bien ou très bien le Private Equity, contre 47 % pour les fonds en euros des assurances-vie et 43 % pour les actions cotées. Vu à l’envers, 80 % avouent ne rien y connaître ! Que nous apprend encore ce sondage ? Que seuls 7 % des interrogés avaient déjà investi dans du Private Equity. Qu’en termes d’attente, le panel recherche un rendement médian de 6,5 % annuel et est prêt à accepter un risque limité de perte en capital (de près de 10 %). Que les freins au développement du capital-investissement sont le montant du ticket d’entrée, mais aussi le risque de perte en capital (pour 84 % des personnes). Par ailleurs, 74 % des particuliers interrogés plébiscitent le caractère concret de leur investissement dans l’économie réelle, comme le principal atout de cette classe d’actifs.
Convaincue de sa mission d’évangélisation en la matière, Bpifrance va prochainement intégrer à son site Internet un portail pédagogique qui partagera ce type de baromètre, des études de France Invest, et des supports destinés à mieux comprendre le fonctionnement du Private Equity. « Il y a un taux de pénétration du Private Equity estimé à 0,02 % dans le patrimoine financier des Français, ce qui est beaucoup moins que dans d’autres pays, notamment anglo-saxons où ce taux peut atteindre 10 %, indique Gorka Gonzalez, responsable de l’activité retail chez Bpifrance. L’écart est immense et le défi est d’ouvrir une voie d’accès aux particuliers, avec un ticket d’entrée plus bas que ce qui était traditionnellement mis en place. » Cap sur la démocratisation de ce type d’investissement, dont un exemple spectaculaire fut le lancement par Bpifrance du fonds Bpifrance Entreprises 1, dont le seuil d’investissement était de 5 000 euros seulement. L’idée sousjacente est de convaincre les ménages de soutenir le tissu industriel français en apportant des fonds propres aux PME. En somme, de donner du sens à son épargne.
Etre accompagné : indispensable !
Tirons in fine le bilan de cette émergence du Private Equity dans l’assurance-vie. Un, pas de méprise, elle est encore timide malgré une offre croissante. Deux, les FCPR se retrouvent essentiellement dans les contrats diffusés par des courtiers en ligne d’une part, par des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) d’autre part. Le non-coté n’a pas encore vraiment gagné le champ des contrats les plus vendus, ceux des banques notamment, hormis dans le cadre des gestions patrimoniales des banques privées. Trois, l’accompagnement des épargnants est incontournable pour franchir le pas, ouvrant des fenêtres aux CGP. Mais eux-mêmes peuvent avoir besoin d’appuis, qu’ils trouveront auprès de certains assureurs-vie (Generali, Spirica, etc.) ou entités intermédiaires (Nortia, Oddo, Primonial, etc.).
Notons aussi que certaines plates-formes d’investissement se positionnent sur le terrain des fonds de Private Equity pour en faciliter l’accès, tels Alphacap, Altaroc, Peqan ou Private Corner. Sur un segment plus haut de gamme (ticket d’entrée à 100 000 euros), la plate-forme Archinvest, a démarré le 3 octobre dernier avec pour but de « proposer une gamme complète de fonds couvrant l’ensemble des stratégies du Private Equity (LBO, infrastructure, Growth, dette privée, immobilier) et accessible à une clientèle privée grâce à leur conseiller en gestion de patrimoine ou leur family office ». Dans ce marché en gestation, les conseillers en gestion de patrimoine ont donc une belle carte à jouer. Certains cabinets ont déjà développé une expertise sur le Private Equity, comme Althos Patrimoine qui a créé son club d’investisseurs Althos Invest. « L’investisseur particulier doit se faire accompagner d’un professionnel pour investir sur les marchés non cotés, exprime Maxime Defasy. En effet, contrairement aux marchés cotés, les marchés privés sont plus difficiles à appréhender en l’absence d’une information facilement accessible sur les entreprises et les fonds. Les écarts de rendement entre les différents fonds nécessitent aussi l’aide d’un professionnel pour accompagner l’investisseur dans ces choix d’investissement dans les véhicules non cotés. Enfin, le professionnel définira le profil de risque de l’épargnant pour l’accompagner dans la construction d’un portefeuille en cohérence avec ses attentes et avec une exposition adéquate dans le non-coté et sur les autres classes d’actifs. La poche de non-coté peut monter jusqu’à 60 % pour les profils les plus dynamiques. Plus modestement, une poche entre 10 et 20 % permet déjà d’améliorer le couple rendement-risque. Cette stratégie alternative, qui offre une large diversification dans les classes d’actifs, permet de générer une meilleure performance, tout en limitant la prise de risque. » Contre toute attente, bien diversifié et choisi avec clairvoyance, le Private Equity va-t-il s’avérer moins risqué que l’investissement en actions cotées sur la durée ? Une nouvelle porte de croissance pour l’assurance-vie ?
Les règles d’or du Private Equity
C’est une opération de long terme. L’épargnant s’engage sur huit ou dix ans en règle générale pour optimiser son placement.
C’est un investissement très risqué, sans aucune garantie en capital. En somme, l’épargnant préfère miser sur une jeune pousse plutôt que sur un état criblé de dettes, et doit s’attendre à ne rien gagner, voire y laisser des plumes, comme à gagner 15 à 20 % par an.
C’est une solution de diversification aux actifs traditionnels dans le patrimoine, qui ne saurait toutefois devenir majoritaire. Le seuil est à déterminer selon le profil de l’épargnant.
C’est un placement peu liquide. L’argent est souvent bloqué. Dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, les compagnies peuvent garantir la liquidité du fonds en cas de rachat de l’épargnant. Mais gare aux pénalités et à la période de cession, qui pourrait être défavorable.
Vous avez dit fonds « evergreen » ?
Ce nouvel anglicisme désigne par traduction les arbres ou plantes persistants, conservant leurs feuilles en hiver. Voici que des fonds evergreen émergent dans le sillon du Private Equity. Leur particularité ? Ne pas avoir de date de clôture prédéterminée. De quoi inciter au développement à long terme des fonds avec des levées de fonds étalées dans le temps et, par ricochet, éviter les cessions prématurées et non opportunes. Réputés plus souples que les autres fonds de Private Equity, les fonds evergreen restent toutefois encore confidentiels en France. Les raisons ? Un temps d’investissement long et peu visible quant à son terme et le ciblage d’entreprises déjà bien installées, laissant de côté les jeunes pousses qui démarrent. Dernier point:ces fonds ne sont pas à confondre avec l’ISR (investissement socialement responsable) ou la finance verte, malgré leur consonance « green ».
Gestion de fortune : la piste luxembourgeoise
Si l’investissement en Private Equity est de plus en plus privilégié par les clients fortunés en recherche de performance, ces derniers ne sont pas moins soucieux d’une certaine sécurité juridique et de la préservation de leurs avoirs à long terme. De quoi expliquer l’attrait pour les contrats d’assurance-vie du Luxembourg. Au Grand-Duché, la réglementation autorise à intégrer des fonds de Private Equity dans un contrat d’assurance-vie… pour certains clients seulement. L’accès est en effet limité aux souscripteurs de type D, c’est-à-dire investissant au minimum un million d’euros dans leurs contrats et déclarant une fortune en valeurs mobilières supérieure à 2,5 millions d’euros. Au sein des contrats luxembourgeois, les fonds en Private Equity sont éligibles au sein des fonds internes dédiés (présence d’un gérant discrétionnaire) et des fonds d’assurance spécialisés (le choix des supports est laissé au souscripteur). La problématique la plus importante à laquelle les compagnies doivent faire face est le risque de liquidité. Par définition, les fonds de Private Equity ne sont pas liquides avant leur terme et il n’existe pas de marché secondaire satisfaisant pour les compagnies d’assurance. Quid en cas de rachat sur le contrat ou de décès de l’assuré ? L’assureur étant obligé de se plier à un tel évènement, l’agrément d’un nouveau fonds par la compagnie va impliquer des échanges avec le fonds de Private Equity afin d’aménager les conditions de sortie de ces titres. Généralement, au Luxembourg, le paiement des prestations sera réalisé en nature par transfert des titres aux bénéficiaires.