Après l’agitation à la fin de l'année dernière, nos lecteurs pourront se réjouir du calme relatif qui a marqué les actualités réglementaires en matière d’environnement, social et gouvernance (ESG) au mois de janvier. Mais cela ne veut pas dire que 2023 ne sera pas une année chargée. Dans cette édition, je vais donc me concentrer sur ce qui nous attend en 2023.
Elizabeth Gillam, Head of EU Government Relations and Public Policy
Points importants à retenir
La loi américaine Inflation Reduction Act et le mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières sont tous deux de nature à susciter de vives inquiétudes par rapport aux barrières commerciales.
Quant à la Chine, elle aussi cherche à prendre des mesures pour protéger son statut d'acteur dominant dans l'industrie mondiale de l'énergie solaire en plein essor.
Nous proposons également un aperçu de l'agenda de l'UE pour le reste de l'année 2023 et nous anticipons les mesures que la Commission des opérations de bourse des Etats-Unis (US Securities and Exchange Commission) peut prendre quant à trois règles importantes.
Devenir IRAscible : Les barrières vertes peuvent-elles provoquer une guerre commerciale ?L’année dernière, l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA) a d’abord suscité des réjouissances que les Etats-Unis ont enfin adhéré à la vague verte. Cependant, cette joie s'est transformée en frustration lorsque les détails de la loi et l'exclusion effective des entreprises européennes des subventions lucratives proposées dans le cadre de l'IRA sont devenus apparents.
Les discussions ont rapidement évolué pour se focaliser sur d’éventuelles mesures de rétorsion de l'UE et son propre régime de subventions vertes à mettre en place pour maintenir l’avantage comparatif de l’UE dans ce domaine. L’UE est cependant confrontée à plusieurs obstacles qui l’empêchent de développer ce régime à l’instar des États-Unis. Tout d'abord, la marge de manœuvre budgétaire pose problème, car à la suite de la pandémie de COVID-19 les ratios dette publique/PIB sont déjà élevés pour de nombreux pays membres de l'UE, ce qui limite les capacités des gouvernements concernés à venir en aide à leurs entreprises. Ensuite, le cadre réglementaire européen, qui établit des soi-disant « aides d'État », limite la capacité des autorités gouvernementales à subventionner leurs industries nationales.
Certains pays européens, dont l’Allemagne, qui disposent d'une marge de manœuvre budgétaire, sont favorables à un assouplissement du régime de subventions de l'UE. D'autres pays, comme l'Italie et la France, dont la marge de manœuvre est plus limitée, ne soutiennent cette mesure que si elle est assortie d'un fonds européen permettant de financer les subventions. Le reste s'oppose à tout écart de l'éthique libérale et libre-échangiste de l'UE.
Enfin, l'UE, bien que n'appréciant pas l'IRA américaine, risque certainement de s’exposer aux critiques similaires, car elle a décidé de mettre en œuvre un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM). Les exportations vers l'Union européenne en seront pénalisées, à moins que les exportateurs puissent démontrer que le pays d’origine des produits exportés applique le même prix du carbone que l'UE. Sur de nombreux plans, le CBAM joue le rôle du bâton par rapport à la carotte de l'IRA américaine - et les deux dispositifs sont de nature à susciter de vives inquiétudes quant à la nouvelle escalade des barrières commerciales érigées.
Quant à la Chine, elle aussi cherche à intervenir. Par rétorsion aux mesures adoptées par les États-Unis et les Pays-Bas qui bloquent les exportations de semi-conducteurs vers la Chine, Pékin est en train de finaliser sa liste de contrôle des exportations, qui devrait probablement inclure, entre autres, la technologie des panneaux solaires. Au niveau mondial, la Chine produit plus de 40 % de polysilicium, intrant primaire des produits solaires, alors que les fabricants chinois assurent la quasi-totalité de la production de plaquettes de silicium - composant essentiel et coûteux - pour la chaîne de production solaire. Cette mesure vise à consolider la position dominante de la Chine dans le secteur solaire mondiale qui est en plein essor.
Développements en matière de finance durable européenne - perspectives de l’année 2023Alors que l’année qui commence est la dernière année complète du mandat politique en cours de l'UE, l'attention se focalise principalement sur les détails à régler, bien que certaines nouvelles initiatives soient considérées comme potentiellement faciles à adopter. Les facteurs clés à surveiller cette année :
CS3D : La Directive sur le devoir de vigilance en matière de développement durable des entreprises (CS3D) est un texte législatif qui vise à rendre obligatoire la diligence raisonnable en matière de l'environnement et des droits de l'homme dans la chaîne d'approvisionnement pour les grandes entreprises européennes et celles opérant dans des secteurs à haut risque. Le Conseil européen a adopté sa position en décembre, alors que le Parlement dont la procédure est plus lente ne pourra se prononcer que vers le milieu de l'année. Un peu plus de six mois reste donc pour finaliser un accord, malgré de fortes divergences quant au périmètre, à la responsabilité civile et au rôle des services financiers.
Notation ESG : La Commission européenne se propose de présenter en juin 2023 une nouvelle proposition visant à réglementer les agences de notation ESG. Intel suggère l'objectif qui consiste à renforcer la transparence et la gouvernance des agences de notation ESG.
CSRD/ESRS : La balle est maintenant dans le camp de la Commission européenne, qui a reçu l'avis du Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) à la fin de l'année dernière, pour adopter les normes détaillées de reporting en matière de durabilité, qui serviront de base à la nouvelle Directive sur les informations de durabilité à publier par les entreprises (CSRD). La question clé consiste à savoir dans quelle mesure l'UE cherchera à s'aligner sur les normes à venir de l'ISSB.
SFDR : Un certain nombre d’incertitudes planent au-dessus du Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Premièrement, selon la déclaration du Commissaire McGuinness en décembre, la Commission européenne a commencé à travailler sur une révision fondamentale de la législation du niveau 1. La révision n’entraînera pas des changements immédiats, puisque le temps manquera pour le mandat en cours et qu'il faudra donc attendre 2025, année de la constitution de la Commission nouvelle mouture ; cependant les services du Commissaire prévoient déjà de travailler tout au long de l'année 2023 pour examiner la législation et les changements éventuels, avant une consultation programmée pour 2023. En outre, nous attendons les réponses aux questions des Autorités européennes de surveillance (AES) portant sur la manière d'interpréter les principales dispositions du SFDR (y compris la définition d'un investissement durable) en avril, l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) est actuellement en phase de consultation sur l'utilisation des termes ESG dans les noms des fonds, et les AES devraient consulter les Normes techniques réglementaires du SFDR, y compris les Principales Incidences Négatives (PAI) et les modèles de produits vers la fin du premier trimestre.
Taxonomie : Alors que la Taxonomie semble avoir perdu quelques ambitions depuis les batailles politiques autour du gaz et du nucléaire, la Commission européenne doit encore finaliser les règles tant attendues pour les quatre autres objectifs de la Taxonomie liés à l’environnement : Taxo4. Sur ce point, la Plate-forme a fourni son avis l'année dernière, mais nous ignorons toujours la décision correspondante de la Commission européenne, même si l'échéance est déjà dépassée depuis un certain temps.
Du côté britannique, nous attendons plus de détails par rapport à l'approche gouvernementale à l’environnement et à la durabilité lorsque les autorités publieront leur stratégie révisée en matière de financement vert, qui est attendue en mars. Il pourrait en résulter plus de réflexions sur les projets du Royaume-Uni en matière d'adoption des normes de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), sur les progrès du Groupe de travail sur le plan de transition, ainsi que sur ses projets par rapport à la Taxonomie. Dans le courant de l'année, la FCA devrait, en outre, finaliser son régime d’étiquetage et de déclarations sur la durabilité.
Développements à l’international - perspectives de l’année 2023Aux États-Unis, nous attendons avec impatience la décision de la Commission des opérations de bourse des Etats-Unis (SEC) par rapport à trois grandes règles, objet de ses consultations l'année dernière :
L’obligation de publier des informations en lien avec le climat : C'est là où une tempête politique fait rage aux États-Unis à propos de l'ESG. Dans sa déclaration publique, Gary Gensler, président de la SEC, a insisté qu’il fallait revenir sur certaines propositions, dont le Périmètre 3, mais, même dans ce cas, on anticipe que toute règle définitive soit immédiatement contestée en justice par les Républicains. Informations ESG à publier par un fonds : Suscitant beaucoup moins de controverses, cette idée de la SEC, qui propose d'introduire un régime d’informations à publier similaire à celui de SFDR, exigerait la transparence des fonds selon trois critères : intégration de l’ESG, priorités de l’ESG et impacts de l’ESG. Règle relative aux noms de fonds : Même si elle ne concerne pas que l’ESG, la règle révisée, qui est proposée pour les noms, exigerait que les fonds dont la dénomination évoque ESG s'assurent que 80 % des actifs correspondent aux paramètres ESG mis en valeur par le fonds et interdirait également à tout fonds qui ne fait qu’intégrer l’ESG d'utiliser la terminologie ESG dans son nom.Parmi les autres initiatives figurent les travaux que la Réserve fédérale a lancés pour analyser les risques et scénarios climatiques. La Fed a récemment annoncé un exercice pilote en matière de scénarios climatiques, mais il est de nature assez limitée et ne s'applique qu'aux six premières banques américaines.
En dehors des États-Unis, tous les regards seront tournés vers l’ISSB qui s'apprête à adopter au début de 2023 ses deux premières normes, un cadre d’informations sur la durabilité et une norme climatique. Un autre facteur clé à surveiller sera l’activité du Groupe de travail sur les informations à publier liées à l’environnement, qui devrait finaliser ses travaux en septembre. Cette activité s’est trouvée récemment renforcée, puisque les informations à publier liées à l’environnement et à la biodiversité figurent parmi les 23 objectifs fixés à la COP15.
Climat et politique budgétaire - perspectives de l’année 2023Sur le front européen, comme pour la politique de financement durable, on cherchera essentiellement à clore le maximum des dossiers Green Deal en suspens. Des progrès significatifs ont été enregistrés à la fin de l'année 2022, un accord ayant été trouvé sur les deux grands dossiers : la révision du système d'échange de droits d'émission (ETS) et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Cependant, plus d'une douzaine d'autres dossiers attendent leur mise au point. Ils comportent les initiatives suivantes :
FuelEU Maritime ReFuelEU Aviation Infrastructure pour les carburants alternatifs Directive sur les énergies renouvelables Directive sur l’efficacité énergétique Directive sur la performance énergétique des bâtiments Directive sur le méthaneEn outre, la Commission européenne se propose de tenir sa promesse et d’établir le cadre pour remettre en question l’architecture du marché de l’électricité, en ouvrant une consultation ce mois-ci.
Du côté britannique, l'étude de Skidmore sur les émissions nettes zéro, publiée ce mois-ci, devrait fournir beaucoup de matière à réflexion au gouvernement du Royaume-Uni : 129 recommandations pour atteindre la neutralité d’émissions nettes, alors qu’à la suite d’un remaniement ministériel les questions de sécurité énergétique et d’émissions nettes zéro ont été confiées au département dédié sous la direction de Grant Shapps.
Par Elizabeth Gillam, Head of EU Government Relations and Public Policy
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