Comme anticipé, la Banque centrale européenne (BCE) a débuté la deuxième étape de la normalisation des conditions monétaires : après avoir arrêté les achats d’actifs, elle a commencé à relever les taux directeurs. Confirmant les fuites dans la presse cette semaine, la hausse des taux est de 50 points de base (pbs) et non pas de 25 bps comme indiqué en juin : les taux des facilités de dépôt passent de -0.5% à 0% et le taux de refinancement de la BCE de 0% à 0.5% et le taux de facilité de prêt marginal de 0.25% à 0.75%. Il n’y a plus de taux négatifs, après 9 ans !
La stabilité des prix est l’objectif de la Banque centrale, or l’inflation, déjà largement au-delà de la cible de 2% en 2023 d’après les dernières projections des équipes de la BCE, resterait en moyenne supérieure à 2% même en 2024, sachant que les risques sont à la hausse et que les dernières données montrent que la hausse des prix est en train de se généraliser au-delà des composantes les plus volatiles (énergie et alimentation).
Nous pensons que la BCE devrait discuter d’une hausse de 25 pbs ou 50 pbs en septembre, mais que la probabilité d’une hausse de 50 pbs est très élevée dans la mesure où l’inflation devrait encore augmenter pendant l’été et la politique monétaire sera très dépendante de ces données. Après l’été, le cycle des hausses des taux devrait continuer graduellement tant que les prévisions d’inflation à moyen terme ne reviendront pas à 2%. Le taux de refinancement devrait se diriger vers 1.5%-1.75% courant 2023, c’est-à-dire le niveau que la plupart des gouverneurs de la BCE considère comme neutre.
Nous pensons que la BCE pourrait ralentir le rythme des hausses de taux d’intérêt après septembre si l’économie européenne devait se contracter brutalement, puisque la récession contiendrait les pressions inflationnistes à moyen terme, malgré la flambée inflationniste en 2022 et 2023. Un tel scenario se produirait, par exemple, si la Russie interrompt toutes les livraisons de gaz à l’Union Européenne. Pour l’instant, ce risque diminue à très court terme puisque les flux de gaz vers l’Allemagne reprennent sur le gazoduc Nordstream 1, à capacité réduite (30%-40%), comme c’était le cas avant les travaux de maintenance de juillet.
A l’inverse si l’évolution des prix et des salaires surprend à la hausse et la demande interne se montre résiliente, la BCE sera tentée d’accélérer le rythme des hausses des taux et d’arriver en territoire restrictif. Il n’y a pas actuellement d’éléments forts en ce sens.
Comme prévu, la BCE a également approuvé à l’unanimité son nouvel outil anti-fragmentation (the Transmission Protection Instrument, TPI), c’est-à-dire un mécanisme qui devrait aider la BCE à garantir que les conditions monétaires se transmettent uniformément, et pas de façon désordonnée, dans tous les pays de la zone euro. Ceci se produirait s’il y avait un écartement injustifié des spreads souverains dans les pays périphériques de la zone euro, ce qui impliquerait des conditions de financement beaucoup moins accommodantes dans les pays périphériques par rapport aux pays « cœur ». La BCE ne s’est pas engagée sur un montant prédéfini d’achats, et l’ampleur des achats dépendra de la gravité des risques, mais l’outil permettra à la BCE de poursuivre plus efficacement la lutte contre l’inflation en continuant à normaliser les taux sans se préoccuper de l’écartement des spreads3 périphériques. Les achats seraient axés sur les titres du secteur public entre un et dix ans de maturité, mais des achats de titres du secteur privé pourraient être envisagés.
Si le risque de fragmentation se matérialise, le Conseil des gouverneurs se réserve le droit de l’activer de façon discrétionnaire sur la base de quatre critères d’éligibilité, dont beaucoup sont dans les mains des équipes de la Commission Européenne :
le respect du cadre budgétaire de l’UE (pas de procédure de déficit excessif), l’absence de déséquilibres macroéconomiques graves, la soutenabilité budgétaire, une politique macroéconomique saine et durable (le respect des engagements avec les cibles fixées dans le cadre du plan de relance européen).L’enjeu majeur pour la BCE était celui de convaincre les marchés de la crédibilité de cet outil, notamment dans un contexte de crise politique italienne ouverte avec la fin du gouvernement Draghi. Nous pensons que ce type de risque idiosyncratique, n’est pas nécessairement exclu de l’outil ex-ante, mais sous condition que le nouveau gouvernement italien montre une ligne de conduite conforme aux directives européennes et en ligne avec les règles fiscales européennes. En conséquence, à court terme, le risque d’un écartement des spreads, et notamment du spread italien, n’est pas négligeable.
Par Ombretta Signori, stratégiste senior, et Romain Faquet, stratégiste macro, chez Aviva Investors France
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