Cette année, le thème du Symposium économique de Jackson Hole est « Réévaluer l'efficacité et la propagation de la politique monétaire », en somme une courte retraite pour les économistes et banquiers centraux du monde entier. Cela reste une question cruciale compte tenu de la résilience remarquable qu'ont montrée les économies des marchés développés face au cycle de hausse des taux d'intérêt le plus marqué depuis quatre décennies.
Point culminant de cet événement de deux jours : le discours du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, ce vendredi. Les marchés seront à la recherche de la moindre indication sur ce qu’il pense suite à la baisse puis la reprise déclenchées par les données du marché du travail au début de ce mois, et ce que cela pourrait signifier pour la prochaine décision sur les taux lors de la réunion de la Fed des 17-18 septembre. Étant donné que le marché à terme anticipe actuellement une baisse d’environ 95 points de base (pb) d'ici la fin de l'année, et qu'il ne reste que trois réunions de la Fed durant cette période, la question la plus pressante pour les investisseurs est de savoir si la Fed pourrait commencer son cycle de baisse dès le mois prochain avec une réduction de 25 ou 50 points de base.
Le dilemme de la Fed tourne principalement autour du chômage. Les données de ce début de mois ont montré que le taux de chômage aux États-Unis avait augmenté à 4,3 %, un niveau plus faible que prévu, soit une hausse de 0,9 % par rapport aux plus bas du cycle, suffisant pour déclencher la règle de Sahm. Si cette hausse reste une source de préoccupation pour elle, ce récent ralentissement n'est pas uniquement dû à une baisse de la demande de main-d'œuvre (les taux de postes vacants et d'embauche ont diminué sans à-coup), mais aussi à une offre plus importante grâce au taux de participation des personnes en âge de travailler au plus haut depuis 2001 et des niveaux d'immigration élevés. De plus, les données extérieures du marché du travail restent solides. L'indice des services ISM affiche un fort rebond en juillet après un rapport décevant en juin, la composante emploi dépassant en particulier les attentes. Les chiffres des ventes au détail ont de nouveau dépassé les attentes la semaine dernière, avec le groupe de contrôle (qui entre dans les estimations du PIB) à 0,3 % après un solide 0,9 % le mois précédent.
Le discours de la Fed depuis la publication des données sur le chômage a généralement été mesuré, comme on pouvait s'y attendre. Il est clair qu'il reste un biais hawkish pour certains membres. Entre autres, Mary Daly, Raphael Bostic et Jeff Schmid se concentrent sur l'inflation plutôt que sur les données du marché du travail dans leurs commentaires récents. La Fed voudra éviter de raviver les craintes d'inflation, d'autant plus que l'indice des prix à la consommation (Core PCE), mesure de la Fed, reste au-dessus de son objectif de 2 %. Toutefois, l’inflation se portant bien[1], la Fed ne voudra pas non plus restreindre l'économie plus que nécessaire, les taux étant toujours fixés à 5,5 %. Le mois dernier, Powell qualifiait la règle de Sahm de « régularité statistique » plutôt que de signal de récession, mais la Fed sait qu'une fois que le taux de chômage commence à augmenter, il peut être assez difficile de l'arrêter.
Les données recueillies à ce jour indiquent que l’économie ralentit, mais reste en croissance et nous pensons que Powell le soulignera vendredi. Il est peu probable qu'il exclue une baisse de 50 pb, surtout qu'un autre rapport sur le marché du travail est prévu avant la réunion de septembre. Notre scénario de base reste donc une réduction de 25 pb.
La Fed n’ayant pas changé de ton depuis la publication des chiffres décevants de l’emploi non agricoles qui ont déclenché les mouvements de repli, il est possible que les cours continuent de reculer pour se rapprocher des niveaux observés à mi/fin-juillet. L'indice boursier S&P 500 a effacé ses pertes depuis le début du mois, et les spreads de crédit ont presque fait de même. Les rendements des obligations d'État restent cependant proches de leurs plus bas pour le mois. En définitive, soit Powell validera ce point de vue plus pessimiste, soit les obligations d'État abandonneront une partie des gains réalisés au cours des dernières semaines.
Par George Curtis, Gérant chez TwentyFour AM, boutique Vontobel
[1] Les données de l'IPC de base de la semaine dernière indiquaient 0,165 % en glissement mensuel pour juillet, portant le taux annualisé sur trois mois à 2 %.
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