La dynamique de croissance mondiale atteint son plus haut. Ce phénomène conjoncturel est-il amené à se poursuivre ?
Le commerce mondial a signé un record en 2021. En décembre, les exportations chinoises ont dépassé 340 milliards de dollars, tordant le cou au mythe de la «démondialisation»qui dominait au début de la pandémie. Dans de nombreux pays, la forte demande mondiale en biens a mis à mal l’approvisionnement en raison d’embouteillages maritimes. Alors que la propagation continue du virus et la stratégie chinoise zéro Covid pourraient peser sur la chaîne logistique à court terme, la situation devrait se détendre au second semestre 2022.
Une transition vers l’endémie ?Le plateau qui s’esquisse pour la vague Omicron suscite partout en Europe l’espoir de levée globale des restrictions encore en place. Omicron va-t-il inaugurer une phase endémique ? La question reste pour l’heure sans réponse. Partout en Europe, le secteur tertiaire lourdement affecté par les restrictions peut toutefois nourrir l’espoir d’une normalisation de la situation à l’été. Cela dit, le secteur de l’hôtellerie fait face à une pénurie criante de main-d’oeuvre. Dans l’industrie, l’évolution dépendra de la détente continue des difficultés d’approvisionnement mondiales, récemment esquissée dans les semi-conducteurs. Les fournisseurs dans toute l’Europe vont profiter du potentiel de rattrapage à court terme du secteur automobile allemand. A moyen terme, la reprise européenne va s’essouffler du fait de l’impulsion budgétaire négative et du durcissement de la politique monétaire américaine et dans certains pays émergents. Les incertitudes géopolitiques renforcent ces vents contraires cycliques. Actuellement, le conflit ukrainien se traduit pour les consommateurs et les entreprises en Europe principalement par une hausse des prix de l’énergie.
A la différence de son voisin d’outre-Rhin, la France a vu le moral de ses entreprises rester bon lors du second semestre 2021. Mais début 2022, les indicateurs avancés du PMI des services trahissent un ralentissement de la dynamique. Il reste à voir s’il s’agit d’un creux temporaire dû à la propagation du variant Omicron. Le maintien à des niveaux élevés des indica-teurs de l’industrie plaide en faveur de cette analyse. Dans le scénario favorable d’une prochaine transition vers une situation endémique en Europe, le secteur tertiaire français devrait profiter plus que la moyenne. Le soutien budgétaire, c’est-à-dire la modification du déficit public primaire, tempèrera la dynamique conjoncturelle de l’Hexagone. L’impulsion budgétaire plus faible en faveur de la croissance pèsera plus lourdement en France qu’en Allemagne.
La souplesse reste de miseDernièrement, six pays de la zone euro ont enregistré une inflation inférieure au mois précédent. Elle reste très élevée dans les pays où les produits énergétiques fossiles ont un poids important dans l’indice des prix à la consommation. Mais contrairement à l’évolution aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la croissance du crédit et l’évolution des salaires n’indiquent toujours pas de plus grande pression inflationniste. Si les prix de l’énergie n’évoluent pas, nous tablons sur un net repli de l’inflation, de 5,1 % actuellement à 3 % mi-2022.
Les prévisions de resserrement de politique monétaire plus rapide n’ont pas ravi les investisseurs, même la souplesse reste de mise. Sur le marché actions, la longue surperformance des titres «croissance»a cessé en juillet 2021 déjà. Deux raisons l’expliquent:il est devenu clair que les politiques des banques centrales à l’échelle mondiale allaient se resserrer. La hausse des taux est un souci plus important pour les entreprises très endettées et actuellement faiblement rentables. Vu la vente massive sur le marché des actions, les obligations d’entreprises ont été relativement bien soutenues. Un élément quasi certain est le retour de la volatilité des écarts, les banques centrales freinant leur soutien; des creusements sont donc prévisibles. A court terme, les taux d’intérêt présentent un plus grand potentiel haussier, car l’inflation reste élevée et les banques centrales pourraient être forcées de passer à l’offensive.
Marc Brütsch, Chief Economist, Swiss Life Asset ManagersAchevé de rédiger le 10 février