Spécialiste de la dette corporate des pays émergents, Ivo Capital Partners fêtera son dixième anniversaire en fin d’année, avec plus d’un milliard d’euros d’encours sous gestion. L’occasion de rencontrer Michael Israel, son président, également gérant, qui nous présente sa stratégie de gestion atypique «mauvais pays/bonnes sociétés»désormais bien appréhendée par les investisseurs et ses perspectives pour l’année en cours.
Investissement Conseils : Où en est Ivo Capital Partners dans son développement ?Michael Israel : Il y a quelques mois, notre société de gestion, qui fêtera cette année son dixième anniversaire, dépassait le milliard d’euros d’encours. Notre croissance se poursuit, puisque nous gérons désormais 1,150 Md€. Alors que nous opérons sur un marché encore parfois perçu comme de niche, cette belle croissance est encourageante. Néanmoins, notre travail de pédagogie, tant sur notre univers d’investissement que sur notre stratégie de gestion – mauvais pays/bonne société –porte ses fruits. Les investisseurs ont désormais bien en tête les différentes catégories d’obligations émergentes, ainsi que leurs différences très significatives, non seulement en termes de performances, mais aussi en termes de moteur de performance, alors qu’ils avaient jusqu’ici plus souvent recours à des fonds mixtes, principalement investis sur des emprunts d’Etats. Dans cet univers, nous restons des spécialistes du sous-segment pur des obligations d’entreprises émises en devises dures, ce qui n’a strictement rien à voir avec des fonds obligataires composés de titres émis en devises locales ou des emprunts d’Etats. Je pense que cette confusion est désormais derrière nous, quelle que soit la typologie de clients, ce qui explique l’accélération de notre collecte. Nos performances jouent également en notre faveur. Par exemple, notre flagship, Ivo Fixed Income, qui compte près de 500 M€ d’encours, réalise une performance de quasiment 9 % (8,9 %) en 2021, alors que nous sommes dans un cycle de remontée des taux. Notre stratégie peut aussi se montrer à contre-courant de celles des indices. Nous nous sommes, par exemple, tenus relativement à l’écart du marché chinois qui a été chahuté toute l’année dernière et a coûté pas moins de quatre points de performance aux gestions benchmarkées. Notre version défensive de ce fonds, Ivo Fixed Income Short Duration SRI, a également bien performé ces deux dernières années:1,28 % en 2021 et 9,86 % en 2020.
Qu’en est-il de votre développement sur le marché des conseils en gestion de patrimoine ?Nos fonds à la fois décorrélants et diversifiants sont désormais bien appréhendés par les professionnels du patrimoine. La part de nos encours issue des partenaires est de l’ordre de 10 %, un chiffre en constante progression. Nos véhicules d’investissement sont aussi souvent utilisés dans le cadre de fonds dédiés ou mandats de gestion à destination des conseillers en gestion de patrimoine. Nous avons renforcé notre présence sur le segment de la distribution, en recrutant Lucas Bourbon, et nous sommes désormais référencés sur quasiment toutes les plates-formes et contrats du marché.
Quelles sont vos perspectives pour les mois à venir ?Sur les obligations d’entreprises émises en devises dures, on assiste à nouveau à une déconnexion claire entre la macro et la micro. Le flux d’actualités macroéconomiques a été négatif en 2021 et le demeure (la Fed, la Chine, l’endettement souverain de certains pays vulnérables, les devises locales, la Turquie, la Russie…), alors qu’au niveau microéconomique, les sociétés de l’univers d’investissement publient des résultats spectaculaires et ont des niveaux d’endettement parmi les plus bas de leur histoire. Au surplus, l’écart de qualité de crédit entre les entreprises des pays émergents et celles des pays développés n’a jamais été aussi élevé:moins de deux fois l’Ebitda pour le segment pourtant High Yield des entreprises émergentes, contre plus de six fois pour les entreprises européennes High Yield. Les entreprises des pays émergents High Yield sont désormais moins endettées que les entreprises des pays développés Investment Grade. C’est l’amalgame automatique entre la macro et les entreprises qui crée ces phases de déconnexion entre la macro et la micro. C’est notre configuration de marché favorite, car c’est là que vous pouvez acheter des obligations de très belles sociétés qui offrent pourtant de fortes primes de rendement. A l’inverse, c’est quand le marché est très positif sur des thèmes macro et qu’il devient complaisant, comme fin 2017, que notre stratégie a plus de mal à s’exprimer. C’est assez facile à évaluer via le niveau de rendement offert par la stratégie. Fin 2017, notre fonds offrait moins de 4 % de rendement car le marché était sans stress macro majeur, donc à l’avantage des emprunteurs. Actuellement, le même fonds offre plus de 10 % de rendement, alors même que les sociétés sont de meilleure qualité en ce moment.Le marché obligataire a l’avantage d’être très «binaire»:s’il n’y a pas de faillite, le cours de l’obligation remonte à mesure que l’on se rapproche de l’échéance, peu importe le sentiment de marché, et les décotes se résorbent automatiquement dès lors que le choix des entreprises est bien réalisé.2022, comme 2021, sont des années particulièrement intéressantes pour notre stratégie:le marché est favorable aux prêteurs avec quelques réservoirs de performance d’autant plus attractifs qu’ils sont variés, décorrélés les uns des autres et qu’ils prennent leur source dans des sujets très «macro»au point d’affecter de manière indifférenciée toutes les entreprises reliées à ces sujets. Par exemple, la Russie et l’Ukraine pour les questions géopolitiques que nous connaissons; la Turquie pour des considérations de politiques monétaires; le marché immobilier chinois; le Brésil en raison des élections présidentielles; l’Argentine pour la fragilité structurelle du souverain… En plus de ces thèmes spécifiques, nous sommes positionnés sur des valeurs liées à la reprise de la mobilité mondiale, comme les infrastructures, les aéroports, les ports, les autoroutes et les matières premières. Nous avons aussi une thèse d’investissement claire sur des valeurs dont la réduction du niveau d’en- dettement a été plus rapide que prévu. Le rendement à maturité du fonds Ivo Fixed Income est aujourd’hui de 10,5 %, dont 8,5 % de coupon.
Un mot sur le fonds daté que vous aviez lancé avec Schelcher Prince Gestion, Schelcher Ivo Global Yield 2024 ?La collecte est belle avec désormais plus de 200 M€ d’encours. Nous nous rapprochons de sa maturité, 2024, et sa duration baisse rapidement, autour de 1,5-1,7. Son rendement est satisfaisant:plus de 5 % en euros. Ce format de fonds répond à un besoin et notre univers d’investissement s’y prête bien. Nous étudions actuellement la possibilité d’en créer un nouveau au vu des niveaux de rendements actuels.
Et qu’en est-il de votre activité de «litigation finance» ?L’activité est en forte accélération, portée par l’attrait grandissant de tous les investisseurs pour le non-coté en général. Dans la poche non cotée des investisseurs, nous apportons notamment trois compléments très appréciés:une durée plus courte que les cycles des autres actifs non cotés, puisque nos fonds assurent une liquidité maximale pour chaque investissement à cinq ans, une décorrélation à l’économie et aux taux d’intérêts mondiaux, et enfin la possibilité d’investir avec un capital protégé, ce qui est rare dans le non-coté. A ce jour, nous avons déjà investi de l’ordre de 100 M€ répartis sur près de cinquante transactions différentes (arbitrages internationaux, procès commerciaux, actions de groupe, antitrust, faillite…). Nous avons un track-record sur les cinquante premiers millions investis, et ce programme affiche déjà un rendement net minimum acquis de +9 % de TRI net, alors que des cas sont encore en cours. Eu égard à ces belles performances et à l’appétit des investisseurs pour le non-coté en général, nous lançons, ce mois-ci d’ailleurs, un nouveau millésime qui sera également accessible aux CGP. Il s’agit d’une SLP et est donc réservée aux investisseurs avertis.