2023 a mis un terme à l’ascension des prix immobiliers. Si la reprise, en 2024, est moins soutenue qu’attendue – faute d’une baisse significative des prix comme des taux d’intérêt –, le marché reprend des couleurs et semble marquer une pause dans le cycle baissier.Premier signe d’une normalisation, en attendant le recul de l’inflation et le retour massif des investisseurs locatifs.
Avec huit-cent-soixante-quinze mille ventes enregistrées en 2023, le marché de l’immobilier recule de 22 % par rapport à 2022 et ses un million cent-quinze mille transactions, sur douze mois glissants, subissant l’effet de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et du gel des crédits accordés aux particuliers. « La hausse inédite et violente des taux d’intérêt, qui ont quadruplé en 18 mois, a provoqué une déflagration sur le marché et entraîné une exclusion du crédit pour de nombreux ménages », résume Loïc Cantin, président de la Fnaim.De fait, la capacité d’emprunt des Français a reculé de 25 % par rapport à l’an dernier et la production de crédit, de 40 %. La réduction du volume de ventes a mécaniquement entraîné une baisse prix, après des années de hausse continue, dans la plupart des territoires. Au niveau national, les tarifs de la pierre ont ainsi régressé de -1,8 % sur un an, rapporte Meilleurs Agents, à -1,6 % pour les maisons et -2 % pour les appartements. Dans les dix plus grandes villes de France, les prix dévissent de 3,1 %, à l’image de Nantes et Lyon qui ont, respectivement, perdu 8 et 5,9 % en 2023. Même les zones rurales, épargnées par la baisse des prix pendant huit mois, ont été touchées en décembre.A Paris, les prix sont repassés sous la barre des 10 000 euros, avec une moyenne de 9 966 euros, soit une baisse de 5,7 % sur un an et 7,7 % sur deux ans. La baisse des prix est également marquée en banlieue parisienne (-3,6 %), faisant « l’illustration d’un phénomène national, lors duquel les villes connaissant les plus grandes baisses sont celles ayant connu les plus grandes hausses », indique la Fnaim. Seules exceptions à ce constat : la côte méditerranéenne, le sud de la France et la Corse, où des villes comme Perpignan, Montpellier ou Nice résistent, avec des prix en hausse de 1 à 3 %. L’immobilier de montagne se montre résilient, répondant toujours à un investissement plaisir. En dépit de cette hétérogénéité, « la baisse des prix devrait grignoter progressivement l’ensemble des marchés », annonce Loïc Cantin. Se poursuivra-t-elle en 2024 ?Pause dans le cycle baissierCette nouvelle année semble placée sous le signe de la reprise. Sur le plan macroéconomique, les indicateurs virent au vert, avec une stabilisation des taux d’intérêt en deçà de la barre des 4 % et une baisse des taux directeurs (l’OAT dix ans a perdu cent points de base). « Le régime de détente mis en place par la BCE a permis aux banques de retrouver leurs capacités de financement », observe Loïc Cantin. A cela s’ajoute le relèvement du taux d’usure, passé à 5,91 % le 1er novembre 2023, qui a redonné de la souplesse et de l’agilité aux organismes bancaires.Malgré ces bonnes nouvelles pour les emprunteurs, le rebond tant attendu par la profession se fait attendre, la demande demeurant faible au regard de l’offre. « Les conditions de reprise sont là, mais elles s’avèrent moins bonnes qu’espérées. Certes, les prix ont baissé, mais pas suffisamment pour compenser la hausse des taux, incitant les acquéreurs à rester attentistes en attendant d’y voir plus clair », explique Thomas Prud’Homoz, notaire associé chez KL Conseil. D’autant que, contre toute attente, depuis le mois de janvier, le cycle baissier qui sévissait sur le marché immobilier en décembre s’est mis en pause. « Cette stabilité des prix a pris de court bon nombre d’observateurs », commente Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents. Au 1er février, le prix moyen au mètre carré s’établissait à 3 116 euros, identique à celui du mois précédent. Le coût des maisons a même connu une légère hausse de 0,1 %, atteignant 2 503 euros début février. Reims et Lyon ont vu leurs prix légèrement remonter, tout comme Saint-Etienne, Le Mans et Le Havre qui enregistrent des progressions mensuelles jusqu’à 1 %.Mais attention, toutefois, « à ne pas tirer de conclusions hâtives », prévient Thomas Lefebvre, rappelant que le mois de janvier est traditionnellement peu dynamique, et que le pouvoir d’achat immobilier demeure en net retrait, comparé à 2022 – selon l’opérateur Bevouac, les ménages ont perdu en moyenne 20 mètres carrés de surface habitable en 2023, dans les deux-cent-neuf plus grandes villes de France. « Cela fait deux ans que l’on répète aux particuliers que le crédit sera toujours plus cher, qu’ils ne sont pas finançables ou à la condition de perdre en surface et en qualité de vie. Des arguments qui laissent à penser aux acheteurs que le marché ne s’est pas encore normalisé », analyse Cécile Roquelaure, directrice des études et de la communication d’Empruntis. Si les propriétaires les plus pressés, contraints de céder leur bien, offrent aux acquéreurs les meilleures opportunités, la majorité des vendeurs et des investisseurs préfèrent attendre le second semestre.
Négociations : le pouvoir aux acheteursEn témoigne l’allongement des délais de vente, en 2023, de douze jours sur l’ensemble de la France et de six jours à Paris, pour une durée moyenne de soixante-douze jours. « En 2022, 50% des biens étaient vendus avec une négociation, en 2024, ils représentent 75 % dont 70 % dans les grandes villes », constate Alexandra Verlhiac, économiste doctorante chez Meilleurs Agents.Les baisses de prix moyennes, après négociation, sont également passées de 4,3 à 5,2 % en 2024. « Des corrections de marché s’effectuent, démontrant que le pouvoir est désormais du côté des acheteurs », note l’économiste. A noter également que depuis trois mois, dans les communes de Rennes, Lyon et Paris, les délais de vente se stabilisent.De son côté, l’Observatoire Interkab, qui recueille les données de huit mille cinq cents agences indépendantes, mentionne une marge de négociation moyenne de -7,3 % entre le prix de vente affiché et celui acté chez le notaire, des délais de vente exponentiels de cent-cinquante jours en moyenne au quatrième trimestre et une reconstitution des stocks au ralenti (+ 9 % de stock à la vente entre le T3 et le T4, contre +30 % entre les T2 et le T3).Après s’être regardés en chiens de faïence durant l’année 2023, vendeurs et acquéreurs se rencontrent à nouveau, moins souvent, mais plus durement. « Les acheteurs se montrent plus agressifs en 2024. Ils n’hésitent pas à négocier le prix des biens jugés trop chers, présentant un défaut ou nécessitant des travaux. Les produits les moins bien placés et peu visités peuvent se négocier jusqu’à 15 % du prix affiché », renseigne Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt.Les maisons situées en grande couronne ou en zone rurale, dotées d’un DPE pénalisant, font l’objet des négociations les plus fortes, jusqu’à 20 % en intégrant l’enveloppe travaux à réaliser par l’acquéreur. A l’inverse, les petites surfaces, de 100 000 à 150 000 euros, qui forment le cœur du marché, ne font l’objet d’aucune négociation. Il en va de même pour les biens aux caractéristiques exceptionnelles (toit-terrasse, vue sur mer ou sur un point d’intérêt, à proximité des transports, etc.).Une chose est sûre, dans un environnement de taux encore élevé, la prime revient aux acquéreurs qui paient au comptant ou, à défaut, ceux qui disposent d’un plan de financement assuré et d’un accord de principe de la banque, attestant de leur solvabilité.
Investisseurs : c’est le moment d’y aller !Desservis par la suppression du calcul différentiel et le durcissement des critères d’endettement, les investisseurs ont été évincés par les banques en 2023, au même titre que les primo-accédants, privés de l’effet de levier du crédit. Ils reviennent timidement sur le marché. « Alors qu’ils représentaient 32 % des transactions réalisées en 2022, ils ne constituaient plus que 16 % de la clientèle des agents immobiliers indépendants en 2023 », observe Olivier Bugette, CEO de La Boîte Immo.Outre la barrière du financement, l’intérêt d’investir dans la pierre dans un contexte inflationniste interroge. « L’équation ne fonctionne plus, le retour sur investissement est biaisé par la conjoncture et difficilement viable pour les propriétaires », ajoute le CEO.Autres craintes des investisseurs, l’explosion de la taxe foncière et l’incertitude qui pèse sur les dispositifs défiscalisants et l’extinction programmée des lois Pinel et Denormandie, respectivement, au 31 décembre 2024 et 2026. En novembre dernier, la remise en cause de la fiscalité du régime meublé (LMNP) – pour l’heure maintenu en l’état – a envoyé un signal particulièrement négatif aux particuliers. « L’absence de pérennité des lois fiscales, la baisse des aides et subventions et les nouvelles contraintes de rénovations énergétiques imposées par la loi Climat et résilience sont autant de sources de stress et de tensions pour les particuliers qui craignent pour la rentabilité de leur opération immobilière », exprime Cécile Roquelaure. En dépit de ces réticences, cette dernière invite toutefois les investisseurs à profiter de la tendance baissière des prix et de la fenêtre de tir ouverte depuis janvier. « Mieux vaut acheter aujourd’hui, quand les banques sont sur le pied de guerre et que la concurrence entre acquéreurs est encore faible, quitte à renégocier plus tard son taux de crédit à la faveur d’une nouvelle baisse de la BCE », ajoute la directrice.Même son de cloche chez les professionnels de l’immobilier : « La décrue des prix, même peu significative, mais couplée à la négociation, permet aux investisseurs d’améliorer la rentabilité de leur opération », soutient Souheil Yansi, fondateur du cabinet de conseil Les Secrets de l’Immo (LSI).Par ailleurs, la tension sur le marché locatif sécurise l’investissement dans les zones à forte demande.Dans un environnement géopolitique et économique volatil, la pierre fait figure de valeur sûre, même si, selon Eric Allouche, directeur général d’Era Immobilier, « pour que l’investissement locatif reste attractif, il est toujours nécessaire de prendre sa calculatrice pour évaluer tous les coûts, en particulier dans l’ancien rénové ». Et définir, en amont, son projet patrimonial, suivant un objectif de placement ou de rendement. « Dans les deux cas, acheter au bon prix reste la meilleure façon de valoriser à court ou à plus long terme, son patrimoine », précise-t-il.
Marché de l’ancien : la nouvelle donne énergétiqueReculer pour mieux sauter. Deux annonces, en février, ont redonné un peu de souffle aux propriétaires de biens énergivores.Alors que la loi Climat et résilience prévoit l’interdiction de louer des logements étiquetés E, F et G au titre du DPE, d’ici 2034, la nouvelle révision du mode de calcul du DPE permettra à cent-quarante mille logements de moins de 40 mètres carrés de ne plus être considérés comme passoires thermiques. De plus, l’interdiction à la relocation des logements étiquetés G, qui devait s’appliquer au 1er janvier 2025, a été reportée de deux ans à la date du vote pour les copropriétés ayant décidé des travaux de rénovation énergétique.Reste tout de même près de 5 millions sur les 5,2 millions de logements, soit 17 % du parc de résidences principales en France (30 millions d’actifs), considérés comme « passoires énergétiques » par l’ONRE (Observatoire national de la rénovation énergétique) à rénover… ou à vendre. « Dès 2024, des dizaines de milliers de biens à rénover vont arriver sur le marché, à des prix attractifs », assure Olivier Bugette. Une aubaine pour les investisseurs, à condition de bien évaluer le budget travaux et le rapporter au prix du foncier.
Passoires thermiques : attention aux travaux ! Si la décote sur les passoires énergétiques semble alléchante, elle ne couvre, bien souvent, pas totalement le coût des rénovations, estimé entre 1 000 et 15 000 euros le mètre carré.D’où l’intérêt de cibler des territoires où le prix du foncier atteint 2 500 euros du mètre carré.A en croire Olivier Bugette, les grandes villes qui ont connu une explosion de leurs prix immobiliers à la sortie du Covid, avant de retomber en 2023, sont à regarder. « Des corrections importantes vont avoir lieu à Paris, Bordeaux ou Marseille. Et cela, malgré le fait que la moitié des vendeurs ne soient pas prêts à baisser leur prix. En effet, les propriétaires doivent intégrer le changement de paradigme et se montrer moins gourmands face à des acheteurs dont le pouvoir d’achat immobilier a été amputé d’au moins 15 % en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt », démontre-t-il.Sans compter que l’enveloppe travaux peut souvent déborder. « Si l’on compare le coût de revient entre une opération de rénovation, incluant les frais de notaires et les travaux, le neuf et l’ancien arrivent au coude-à-coude. La localisation est donc une clé d’arbitrage stratégique pour les investisseurs », résume Pierre-Emmanuel Jus, directeur délégué de Maslow.Dans une étude publiée en décembre dernier, la plate-forme d’investissement identifiait les cinq villes de France où il fait meilleur investir dans l’ancien à rénover, à savoir : Clermont-Ferrand (29,99 % moins cher que dans le neuf), Perpignan (29,78 % moins cher vs neuf), Reims (27,27 % moins cher vs neuf), Nîmes (25,70 % moins cher vs neuf) et Caen (22,63 % moins cher vs neuf). « La nouvelle donne énergétique a battu en brèche l’idée que l’immobilier neuf était nécessairement plus cher que l’ancien, et oblige les investisseurs à se montrer bien plus vigilants sur la qualité du bien à acheter, son DPE, mais également, sur la faisabilité des travaux à effectuer. S’il s’agit d’un immeuble entièrement déclassé au DPE, cela implique de bien regarder les procès-verbaux des assemblées générales et s’assurer de la volonté collective des copropriétaires de remettre aux normes l’immeuble », rappelle Paul-Victor Duquaire, directeur du cabinet Silveris, à Lyon, et membre du réseau Neofa.Depuis 2024, le dispositif MaPrimeRénov’ a été augmenté de 1,6 milliard d’euros et l’assiette de travaux éligibles pourrait aller jusqu’à 70 000 euros hors taxe, en contrepartie de l’engagement des propriétaires de passoires thermiques à mener des travaux d’ampleur. En outre, le plafond du déficit foncier a été doublé, porté temporairement à 21 400 euros par an au lieu de 10 700 euros pour rénover les passoires thermiques.
Maximiser son rendementLa somme des contraintes et des coûts qui s’accumulent pour les bailleurs tend à professionnaliser l’investissement locatif, avec un objectif : maximiser le rendement. « Pour équilibrer l’opération avec des taux d’intérêt à 4,5 %, auxquels s’ajoutent les 10 à 15 % d’apport demandés par les banques, le rendement brut délivré par la location du bien doit atteindre les 9 %, contre 6 % auparavant », calcule Manuel Ravier, cofondateur d’Investissement-locatif.Si la tentation d’opter pour la location saisonnière, plus rentable que la location longue durée est forte, ce dernier met en garde contre les restrictions à venir sur la location touristique dans les grandes villes. « Il ne faut pas tout miser sur la location courte durée, et être capable de rembourser son crédit dans le cadre d’un bail longue durée », conseille-t-il. Surtout quand la pénurie de logement dans les grandes métropoles et la hausse des loyers, indexés sur l’inflation, sont favorables aux bailleurs. « C’est dans les périodes de crise que les meilleures offres se présentent », rappelle Manuel Ravier.Pour Yann Jéhanno, il existe deux catégories d’investisseurs:les épargnants en quête d’un complément de revenus ou de constitution d’un patrimoine à transmettre et les profils aguerris qui « jonglent et arbitrent » sur leurs placements. Ces derniers se tourneront, par exemple, vers des studios en rez-de-chaussée, dans des immeubles sans prestation (pas de concierge, ni de chauffage collectif) et situés en banlieue, à proximité des grands bassins d’emplois. « Certains d’entre eux tablent sur le découragement des investisseurs patrimoniaux et attendent de profiter des meilleures opportunités », explique le président de Laforêt.Les plus ambitieux cibleront des maisons à rénover ou de grands appartements, divisés en colocation et situés dans les villes étudiantes. « Le support estudiantin et le tissu économique des villes moyennes sont générateurs de rendement», assure-t-il. Selon lui, les immeubles de rapport ou les appartements situés en périphérie des métropoles, boudés par beaucoup de candidats à l’investissement, délivrent un potentiel de rendement brut de 7 à 10 %.
Et pourquoi pas… le viager ?L’agglomération parisienne et les zones rurales regroupent la majorité des passoires thermiques. Sur la diagonale du vide qui va des Ardennes aux Pyrénées, ces logements énergivores sont principalement occupés par des seniors, souvent incapables de financer les travaux dans leur résidence principale. Le viager se présente alors comme une option gagnant-gagnant pour l’acquéreur et le vendeur. « D’un côté, l’investisseur en viager obtient un bien à rénover dans de meilleures conditions financières. De l’autre, le vendeur a l’opportunité d’accroître l’attractivité de son logement et d’améliorer son DPE », résume Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo. Pour les actifs à rénover, des clauses spécifiques doivent être incluses dans le contrat de vente, telles que la prise en charge par moitié des dépenses de rénovation énergétique. Le vendeur financera ces travaux au moyen du bouquet perçu, somme versée comptant le jour de la signature de la vente définitive. L’acquéreur, quant à lui, assure la rénovation du logement à faible coût. Il peut aussi être envisagé d’appliquer directement une décote sur la valeur vénale du bien à hauteur du montant des travaux de rénovation énergétique à prévoir, à charge pour l’acquéreur de réaliser les travaux. « Les modalités de cette clause doivent être bien détaillées et non équivoques (liste des travaux, quantum, délais d’exécution et qualité des professionnels, prise en charge financière, etc.). Dans certaines conditions, il peut être aussi conseillé au vendeur d’établir un dossier de prise en charge Anah [Agence nationale de l’habitat, ndlr], dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov’ selon les critères d’éligibilité, souligne Sophie Richard. Déduire le prix des travaux énergétiques de la valeur vénale d’un bien dès les négociations offre la possibilité à l’acquéreur de lisser davantage son investissement dans le temps et de contrôler la valorisation de son acquisition. » Le viager libre, lorsqu’un vendeur quitte sa résidence principale pour aller en Ehpad ou qu’une résidence locative est étiquetée classe énergétique F ou G, offre également une option novatrice aux investisseurs pour rénover des habitations vieillissantes.
Marché du neuf : vers une crise du logementAvec une offre de logements en baisse constante, le marché du neuf révèle des difficultés endémiques.Selon les Notaires de France, sur l’année 2023, trois-cent-soixante-treize mille cent logements ont été autorisés à la construction, soit cent-quinze mille neuf cent de moins que lors de l’année précédente (-23,7 %) et 19 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la crise sanitaire (mars 2019 à février 2020). Au troisième trimestre 2023, sur un an, le nombre de réservations a baissé très fortement (-40 %). Ce repli concerne à la fois les nouvelles constructions (-39,9 %) et la construction sur existant (-40,8 %).Sur un an, les mises en ventes sont en fort repli de 32,9 % (-33,5 % pour les nouvelles constructions et-28,2 % pour la construction sur existant). L’encours de logements neufs proposés à la vente a augmenté de 16,7 % sur un an. Le niveau de l’encours s’est établi à cent-trente et-un mille quatre cents logements, un niveau historiquement haut.« Ce nouveau constat ne fait que confirmer la situation catastrophique dans laquelle se trouve le logement en France, commente Pascal Boulanger, président de la FPI France. Faute d’acquéreurs, les promoteurs n’ont d’autre choix que de retarder ou d’abandonner des opérations nouvelles. Ce sont autant de logements nouveaux qui ne seront pas sur le marché dans les deux à trois ans qui viennent. Le déficit de nouveaux logements viendra bloquer le parcours résidentiel de nombreux ménages dans les prochaines années. De conjoncturelle, la crise est devenue structurelle. »Profitez du Pinel avant extinctionLa fin des avantages du dispositif Pinel, au 31 décembre 2024, motivera-t-elle les investisseurs à flécher leur épargne sur l’immobilier neuf ou, bien au contraire, les découragera-t-elle ? D’après Norbert Fanchon, président du groupe Gambetta, « il n’y aura pas d’effet d’emballement en 2024, qui s’inscrira dans la même lignée que 2023 ». Le marché du neuf lié au Pinel s’est établi à trente mille unités l’an dernier, contre cinquante milles en 2022. « Et il y en aura encore moins en 2025 », annonce-t-il, déplorant « un vrai manque de confiance des particuliers dans l’immobilier ». Pourtant, il existe de belles opportunités sur le marché. « Les prix ne montent plus et sont plutôt à la baisse. Il y a des coups à faire sur les programmes en cours de travaux ou qui vont démarrer », indique le directeur. Nombre de promoteurs qui ont, ainsi, déjà vendu 70 % de leur projet concèdent à des rabais sur des quatrième et cinquième étages restants afin de boucler leur programme. Mais surtout, la chute de production de logements va renforcer la tension sur les loyers et le parc immobilier ancien, qui va se stabiliser à la hausse. « Ce sont autant de paramètres positifs pour les futurs bailleurs », ajoute-t-il.Dans ce contexte, les propriétaires se trouvent en position de force pour fixer les prix et les loyers. Une situation, malheureusement, socialement dramatique, mais favorable aux investisseurs qui ont tout intérêt à profiter des avantages du Pinel+ pendant les neuf mois restants. « La valeur patrimoniale demeure, quand le dispositif fiscal disparaît », souligne Norbert Fanchon.Dans un avenir incertain et à une hypothétique baisse des taux, « un tien vaut mieux que deux tu l’auras ». La BCE n’a-t-elle pas, début janvier, douché les espoirs du marché en annonçant le maintien de ses taux directeurs ?Comment investir dans le neuf ?Pierre-Emmanuel Jus en est convaincu : il faut s’intéresser au neuf avec force. « Les investisseurs immobiliers, au même titre que les acquéreurs pour occupation propre, sont confrontés aux futures échéances pour tendre vers un parc immobilier neutre en carbone. Investir dans le neuf permet de bénéficier des innovations les plus récentes en matière d’énergie, d’isolation et de performances énergétiques », affirme-t-il. Cerise sur le gâteau, ces logements peuvent être livrés dès 2024, au plus tard 2025.Outre les frais de notaires réduits et la TVA à 5,5 %, la loi de finances pour 2024 introduit une nouveauté, à savoir une exonération de 50 % ou 100 % de la taxe foncière qui serait accordée pendant cinq ans aux acquéreurs d’un logement neuf répondant à des critères de performance énergétique élevés – les collectivités avaient jusqu’au 29 février pour voter une délibération instaurant cette exonération au titre de l’année 2024. Les banques ont, par ailleurs, développé des éco-prêts à taux zéro ou à un taux bonifié pour l’achat d’un bien neuf de dernière génération (RT2012-RE2020) destiné à la location.Dans le « top 5 » des villes où investir dans le neuf, élaboré par la plate-forme Maslow, figure, en tête du classement, La Rochelle, avec des prix du neuf 28,24 % moins cher que dans l’ancien, du fait de son attractivité liée à la forte tension locative. La ville étant en zone A, l’attractivité fiscale est plus importante et le plafond des loyers plus élevé. Elle est suivie par Bordeaux, avec des prix en moyenne 25,11 % moins chers que dans l’ancien, Orléans avec 24,38 %, Bayonne avec 21 % et Nantes, qui affiche un prix 9,13 % moins onéreux que dans l’immobilier ancien.
Focus sur l’Ile-de-FranceEn 2023, l’Ile-de-France a été la région la plus touchée par la baisse des prix, ouvrant, par la même occasion, de nouvelles possibilités aux investisseurs locatifs d’entrer sur le marché.La Fnaim du Grand Paris enregistre une chute des ventes de 20 % sur un an et un recul des prix de 5 %. Un phénomène de décélération enclenché depuis la fin de la crise sanitaire. « La métropole paie les excès des années passées avec l’effet domino de la population qui a quitté la capitale, après le confinement, pour acquérir une maison dans les villes de première, puis de deuxième couronne, faisant gonfler les prix au passage », analyse Yann Jéhanno.En 2022, 60 % des biens franciliens faisaient l’objet d’une négociation à l’achat. En 2023, ils représentaient 80 % des logements vendus, avec des produits qui restent en stock plus longtemps en raison de la pression locative. « Au deuxième trimestre 2023, il fallait cinquante-deux jours pour vendre un bien à Paris. Six mois plus tard, ce délai s’est étendu à cent-cinquante jours, soit trois fois plus longtemps, sur un marché pourtant toujours dynamique », calcule Olivier Princivalle, président de la Fnaim du Grand Paris. La capitale, passée sous la barre symbolique des 10 000 euros du mètre carré devrait continuer sa spirale baissière, avec les obligations de rénovation énergétique du parc immobilier ancien.
Impact sur le marché locatifLes propriétaires des logements anciens, destinés à la location nue ou meublée, sont les premiers impactés par la loi Climat et résilience, dont l’application soulève des questions d’ordre juridiques. « Le décret sur la décence des logements concerne uniquement les logements loués en résidence principale. La réglementation fait donc s’opposer les propriétaires-bailleurs et les propriétaires occupants, et supporter aux bailleurs les plus vertueux le respect d’obligations qu’ils ne pourront assumer seuls – surtout en copropriété –, avec l’impossibilité de déplacer des locataires le temps de réaliser les travaux, car la loi ne permet pas de leur donner congé pour ce motif », explique Olivier Princivalle. Ces situations ubuesques s’ajoutant à des plans de financement de rénovation énergétiques quasi inatteignables et à des désaccords entre copropriétaires, le nombre de passoires thermiques mises en vente explose.Mais ce sont les biens qui restent le plus longtemps sur le marché. « La valeur verte est bien entrée dans l’esprit des investisseurs », constate le président. Le réajustement des prix à Paris n’est donc pas prêt de s’achever.Seule exception, la parenthèse des jeux Olympiques de Paris qui devrait geler le marché cet été. « Les propriétaires parisiens qui ne sont pas sous la contrainte préféreront sans doute conserver leur bien jusqu’à la fin de l’événement dans le but de le louer au prix fort cet été », anticipe Souheil Yansi.Face à un afflux potentiel de biens cet automne, les investisseurs un peu patients pourraient alors avoir l’embarras du choix et se positionner à des prix alléchants sur des actifs à forte valeur patrimoniale.
Dans l’orbite du Grand ParisLa Fnaim du Grand Paris a conçu un outil numérique paramétrable pour cartographier les villes les plus attractives pour la location, l’achat ou l’investissement, de la métropole. S’il en ressort que Paris et ses communes limitrophes maintiennent des prix trop élevés pour un objectif de rendement – les prix immobiliers de Saint-Ouen, Pantin ou Romainville ont grimpé de 30 à 40 % ces dernières années –, qui plus est soumises à l’encadrement des loyers, la première et surtout la deuxième couronne francilienne offrent un bon rapport prix d’achat/valeur locative. La Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise, dans des villes comme Villiers-le-Bel, Sarcelles, Stains, Garges-lès-Gonesse, tout comme les communes situées au sud de Paris (Les Ulis, Ris-Orangis, Evry-Courcouronnes) affichent une rentabilité moyenne par logement oscillant entre 6,28 % (Les Ulis) et 7,59 % (Sarcelles).En outre, les villes isolées que le Grand Paris Express va désenclaver délivrent un potentiel de croissance à considérer, à l’image du Blanc-Mesnil (sur la ligne 6 du Grand Paris Express), ou encore, de Saint-Quentin-en-Yvelines : « une ville située dans un département charmant et que la future ligne 18 va rapprocher de Paris tout en assurant un confort de vie à ses habitants », évoque Olivier Princivalle.
Anomalies de marchéPar ailleurs, certaines villes demeurent étonnamment sous-cotées en dépit de leur proximité avec la capitale. « Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, n’a pas encore capté la hausse des prix et la valeur générée par la création des nouvelles lignes de transport. Il en est de même pour Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, où les prix au mètre carré sont loin d’atteindre ceux d’Asnières-sur-Seine, alors que la commune est desservie par la ligne 13 du métro, le RER C et qu’elle sera connectée par la ligne 15 au quartier de La Défense », indique Souheil Yansi.Fontenay-sous-Bois, dans le Val-de-Marne, déjà positionnée sur le tracé du RER E, bénéficiera du prolongement de la ligne 1. Val-de-Fontenay, qui accueillera la gare de la ligne 15, a vocation à devenir, dans un avenir proche, le futur pôle économique de l’est parisien pour devenir « la petite Défense de l’Est ». Enfin, Ivry-sur-Seine, la plus grande réserve foncière d’Ile-de-France où les prix de l’immobilier sont deux fois moins élevés qu’à Paris, sera desservie par le tramway TZ en 5 qui reliera le XIIIe arrondissement de Paris à la ville de Choisy-le-Roi.Ces « anomalies de marché », selon Souheil Yansi, qui échappent encore au viseur de la plupart des investisseurs, sont des villes en devenir qui profiteront à plein du déploiement du Grand Paris.
Le « bouclier loyer » prorogé jusqu’au 31 marsL’indice de référence des loyers (IRL), publié par l’Insee, qui plafonne les augmentations annuelles de loyers que les propriétaires peuvent appliquer à leur locataire. Depuis l’automne 2022, le « bouclier loyer » qui limite la hausse de l’IRL à 3,5 % en métropole, de 2 % à 3,5 % en Corse et à 2,5 % en outre-mer, a été prorogé jusqu’au 31 mars 2024 par la loi n° 2023-568 du 7 juillet 2023 (JO du 8 juillet 2023) maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
Le DPE collectif désormais obligatoireDepuis le 1er janvier 2024, les immeubles en monopropriété (détenus par un seul propriétaire) et les copropriétés de plus de deux cents lots, dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013, doivent faire l’objet d’un DPE collectif.
Le déficit foncier double son plafondPour inciter les propriétaires-bailleurs à rénover les passoires thermiques, le plafond du déficit foncier imputable sur leur revenu global a été porté temporairement à 21 400 € par an (au lieu de 10 700 €). Ce seuil bonifié concerne uniquement les dépenses liées aux travaux de rénovation énergétique, qui ont fait l’objet d’un devis signé à partir du 5 novembre 2022. Elles doivent être payées au plus tard le 31 décembre 2025. Les travaux, détaillés dans un décret publié au Journal officiel du 21 avril 2023, doivent permettre au logement de passer d’une classe énergie E, F ou G à une classe A, B, C ou D au plus tard le 31 décembre 2025.
La Fnaim propose un nouveau dispositif fiscalPour restaurer la confiance du bailleur et redynamiser l’investissement locatif, la Fnaim plaide pour un nouveau dispositif original d’incitation fiscale avec prise en charge différée. Il permettrait à tout Français investissant dans la pierre de défiscaliser à terme, après dix années de détention du bien à usage locatif, pendant une période de dix ans. Cette durée pourra être portée à quinze ans pour les logements neufs et pour les logements dans lesquels des travaux de rénovation énergétique sont réalisés.Ce dispositif reposerait sur trois avantages : encourager l’investissement, stabiliser le parc locatif, sans obérer les finances publiques. La fédération réclame également un moratoire d’un an sur les normes du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) qui restreignent l’accès au crédit à de nombreux ménages, et de modifier la loi Climat et résilience pour sécuriser les bailleurs.Faute de report des échéances, elle demande que la non-décence énergétique ne s’applique qu’aux logements loués « à compter » du 1er janvier 2025 et non « à effet » au 1er janvier 2025.