Par Rémy Bourgeon, président et fondateur d’Alderan
Il y a deux ans, avec le début de la crise sanitaire liée à l’apparition de la Covid-19, l’immobilier logistique se révélait comme une classe d’actifs à part entière, incontournable dans l’acheminement des denrées et marchandises de première nécessité, mais aussi de consommation courante.
L’immobilier logistique offrait des perspectives de croissance importantes et des rendements immobiliers au-dessus de la moyenne, grâce au développement de l’e-commerce notamment, de la logistique urbaine au plus près des attentes des consommateurs et aux gisements d’amélioration financière qu’elle recèle.
Revenons d’abord sur l’activité 2021 qui confirme et amplifie ce qui était annoncé pour ce marché de l’immobilier logistique, avant d’aborder ses perspectives pour 2022, voire au-delà.
Deux éléments doivent être présentés pour donner une vision complète du marché : l’activité locative et la masse investie dans cette classe d’actifs logistique (élargie aux locaux d’activités).
2021 aura été une année exceptionnelle pour le marché logistique français. Malgré un contexte économique pour le moins sinusoïdal, avec trois vagues successives de confinement ou de ralentissement de l’activité, ce marché a enregistré sa troisième meilleure performance de la dernière décennie, avec environ 4,3 millions de mètres carrés qui ont fait l’objet d’une transaction en France, représentant une moyenne de vingt transactions significatives par mois.
Au-delà de cet aspect quantitatif, il convient de rappeler que l’immobilier logistique n’est pas homogène en termes de qualité de bâtiments.
En matière d’entrepôt, on distingue trois strates :
- les entrepôts de classe A, dits de dernière génération, protégés par un système anti-incendie (type sprinklers) faisant l’objet d’une autorisation d’exploiter dans le cadre de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et généralement mécanisés (ou mécanisables) intérieurement ; la quasi-totalité des grands entrepôts XXL construits au cours des cinq dernières années entrent dans cette catégorie A ;
- les entrepôts de classe B proviennent de la génération précédente et rendent encore d’éminents services dans la qualité de la chaîne logistique en tant que points relais ;
- et en classe C sont répertoriés tous les autres bâtiments qui font office de lieux de stockage, parce qu’ils sont anciens, plus petits ou moins bien placés ou protégés.
Compte tenu de l’intérêt croissant pour cette classe d’actifs qui s’est avérée résiliente et productive, force est de constater que près de 90 % du volume commercialisé a concerné les actifs de classe A, les utilisateurs de ces surfaces (transporteurs, logisticiens, chargeurs industriels ou issus de la grande distribution) privilégiant ce type d’actifs du fait de leur pérennité accrue, ces bâtiments ayant été construits plus récemment. La diversification des besoins des utilisateurs, les nouveaux challenges imposés par le e-commerce, ainsi que la rationalisation des chaînes d’approvisionnement, ont poussé certaines entreprises à se positionner sur de nouvelles plates-formes, de grande taille notamment. Ainsi, les transactions XXL (celles qui attirent les très gros investisseurs) ont représenté plus de 30 % du volume placé en 2021, tandis que les opérations réalisées en compte propre ont représenté près de 40 % des transactions.
Parallèlement, et c’est ce qui traduit la très forte activité au sein de ce secteur particulier des bâtiments logistiques, on a assisté à un volume record des mises en chantier avec près d’un million de mètres carrés en construction au 1er janvier 2022, niveau le plus haut jamais atteint, ce qui contribue à créer une profondeur au marché logistique en offrant des solutions nouvelles aux opérateurs anciens ou nouveaux avec des niveaux de loyers encore très disparates mais en croissance.
En effet, l’amplitude des loyers demeure importante. A titre d’exemple, l’Ile-de-France domine avec près de 60 € par mètre carré (loyer prime), contre des valeurs comprises entre 44 et 55 €/m2 en régions. Mais d’ores et déjà, une hausse des loyers a pu être observée sur certains marchés régionaux, comme Marseille, Toulouse et Orléans qui ont vu leur loyer passer respectivement de 47, 50 et 43 €/m2/an, fin 2020, à 50, 52 et 45 €/m2/an, à peine un an plus tard.
Sur le plan de l’implantation géographique des transactions locatives, celle-ci n’a guère évolué depuis deux ans avec la prééminence de la « dorsale logistique » Lille-Paris-Lyon-Marseille et le corridor « atlantique . La palme de la performance revient à l’Ile-de-France, avec 1,2 million de mètres carrés placés (sur les 4,3 évoqués supra). Mais la région Nord a aussi dépassé le million de mètres carrés. De ce fait, la dorsale a concentré les deux tiers des transactions, tandis que certains marchés régionaux (Lyon, Marseille, Tours ou Orléans) ont subi des baisses significatives (mais liées au fait que des transactions importantes avaient eu lieu en 2020 sur ces marchés).
En investissement, la logistique a enregistré un nouveau record historique avec 5,3 milliards d’euros investis en 2021. Cette classe d’actifs représente dorénavant 20 % des sommes engagées en immobilier d’entreprise, toute classe d’actifs confondues, contre seulement 11 % l’an dernier et moins de 8 % il y a seulement cinq ans. L’activité d’investissement en immobilier logistique passe pour plus de 60 % par l’acquisition de portefeuilles afin d’atteindre un point critique à partir duquel des très gros investisseurs, notamment anglo-saxons, interviennent (Blackstone, Segro, KKR, Hines, etc.). De nouveaux entrants arrivent également en provenance de Singapour ou de Corée du Sud.
La France pèse, malgré toute cette concurrence, à hauteur de 12 % des investissements, soit près de 640 millions d’euros. Les acteurs français sont très souvent des foncières privées, patrimoniales ou opportunistes, des investisseurs de diversification ou des spécialistes (pure players), comme la SCPI Activimmo qui a acquis pour plus de 200 millions d’euros de ce type de bâtiments (soit le tiers des acquisitions françaises).
On se rend compte du poids des fonds anglo-saxons nord-américains qui, historiquement, se sont intéressés à ce marché particulier des bâtiments logistiques et d’activités. Mais le monde entier (Asie, reste de l’Europe) intervient maintenant en France, ce qui renforce la résilience et la pérennité de ce marché. Cela se traduit aussi dans la compression des taux de rendement immobiliers, puisque le taux prime a atteint 3 % fin 2021. Il est donc clair que la classe d’actifs logistique est devenue, en quelques années, mature et ne peut plus être écartée dans la constitution d’un portefeuille immobilier équilibré. Reste à anticiper, autant que faire se peut, les évolutions probables sur ce marché pour 2022.
Quelles sont les menaces ou contraintes qui vont peser sur l’investissement immobilier (vision macroéconomique) et sur cette classe particulière de l’immobilier logistique (vision sectorielle) ?
En ce début d’année 2022, malgré la probable fin de la crise sanitaire et une croissance économique en rebond après la chute de 2020, trois éléments se conjuguent dont il faut tenir compte dans ses stratégies d’investissement : l’inflation, la situation géopolitique en Ukraine et l’évolution des taux d’intérêt.
Tout un chacun a pu observer la lente, mais inexorable montée de l’inflation depuis l’an dernier, puisqu’en zone euro, malgré les efforts de la BCE, elle dépasse aujourd’hui largement les 5 % (5,8 % en février 2022 et plus de 4 % en France qui résiste encore, notamment au regard de ce qui se passe en Allemagne. Nul ne sait ce qu’il adviendra, dans les semaines qui viennent, de cette situation géopolitique nouvelle créée par la Russie qui subit en retour de son agression des sanctions économiques sévères qui vont à terme amoindrir considérablement ses capacités. En rétorsion, au-delà de son action sur le terrain ukrainien, elle peut diminuer drastiquement ses livraisons de gaz et de pétrole à l’Union européenne, tout en faisant monter les prix de ce qu’elle livrera. L’Union européenne n’est pas encore prête pour changer ses modes d’approvisionnement à très court terme, et donc, inexorablement, on peut s’attendre à une aggravation de l’inflation en zone euro.
Parallèlement, en raison même de cette inflation progressive aggravée par la crise ukrainienne, la politique des taux d’intérêt en Europe sera probablement celle d’un maintien des taux à un niveau inférieur au taux de croissance (en France, par exemple, autour de 1 % pour le taux d’intérêt à dix ans, contre 3,5 % pour la croissance en valeur de long terme). Plusieurs raisons militent en faveur de cette politique de maintien des taux bas. En premier lieu, les taux à long terme ont déjà beaucoup augmenté (de - 0,4 % à + 0,2 % en Allemagne et de - 0,1 % à + 0,7 % en France pour les taux d’intérêt à dix ans).
En second lieu, la BCE va arrêter l’afflux de liquidités (Quantitative Easing), mais pas le réduire, sans trop d’incidences sur le taux d’intérêt long terme. Ensuite, la BCE va devoir éviter une crise des dettes publiques, ce qui ne peut la conduire à une hausse des taux à court terme, malgré une inflation plus importante que prévu mais dont la BCE prédit un retour aux alentours de 3 % en fin d’année. Les investisseurs n’avaient guère été inquiétés par l’inflation depuis trois décennies, avant le retournement de l’année 2021, consécutif au début de sortie de la crise sanitaire.
Dans ce contexte incertain d’inflation aggravée par la géopolitique, mais avec des taux d’intérêt durablement bas, quels placements faut-il privilégier ? Dans ces périodes délicates à apprécier, le premier réflexe est souvent de se tourner vers l’or. Valeur refuge traditionnellement utilisée comme rempart contre l’inflation, son cours tend à s’apprécier aussi vite, voire bien plus vite que l’augmentation des prix. La cryptomonnaie est une autre valeur qui attire. Plus récentes, les monnaies virtuelles, perçues comme une valeur nouvelle moins formelle par les jeunes générations, sont, comme l’or, non adossées à une monnaie ou une quelconque institution. Leurs cours ont donc tendance à s’apprécier plus vite que l’inflation. Mais attention, ces cryptomonnaies sont très volatiles et donc éminemment risquées, comme leur effondrement récent avec la crise ukrainienne l’a démontré.
C’est pourquoi l’immobilier reste bien sûr, et traditionnellement, un actif à privilégier car les prix et les loyers auront tendance à grimper en période d’inflation. Notamment, l’immobilier locatif, car l’indexation des loyers suit l’inflation. Et l’immobilier est une valeur qui permet d’emprunter du fait de sa sécurité en termes de garanties offertes. De ce fait, il pourra également être judicieux de se tourner vers des unités de compte immobilières : SCPI, SCI, OPCI… Ce type d’actif permet de se positionner très facilement et avec un ticket d’entrée relativement faible sur le marché immobilier, un marché qui a tendance à suivre la hausse des prix en période d’inflation et de constituer une valeur refuge en ces temps d’incertitude.
En cas de choix d’investissement dans le secteur immobilier, faut-il allouer une partie de son investissement à l’immobilier logistique ? La réponse est oui.
Le panorama dressé précédemment démontre que cette classe d’actifs a aujourd’hui atteint un niveau suffisamment mature pour attirer les investisseurs issus du grand public, grâce à la profondeur de son marché en forte croissance, de la reconnaissance de son utilité dans la bonne marche de l’économie, du développement continu du e-commerce et de l’impact de la chaîne logistique dans la fluidité de circulation des marchandises.
Au-delà de ce constat qui pourrait paraître quelque peu incantatoire, des éléments factuels viennent compléter cette orientation. Tout d’abord (voir plus haut), le volume record des mises en chantier de ce type de bâtiments atteint près d’un million de mètres carrés, contribuant, à horizon deux ans, au rajeunissement du parc, avec plus de bâtiments parfaitement sécurisés, plus vertueux sur le plan environnemental et mieux équipés encore pour absorber les contraintes d’un approvisionnement continu de marchandises, l’excellence dans la logistique restant avant tout la maîtrise du flux de marchandises.
Ensuite, la recherche toujours plus poussée des utilisateurs d’entrepôts adaptés à leurs process, l’importance grandissante des politiques RSE au sein des entreprises, ainsi que la faiblesse des offres existantes de grande taille devraient aider à maintenir un bon niveau de commercialisation pour ce type d’opérations en 2022.
En outre, ce secteur immobilier connaît également l’impact que revêt le respect de l’environnement dans toute activité économique. Plus personne n’ignore aujourd’hui les risques à continuer à artificialiser les sols sans politique environnementale adaptée. De ce fait, les constructions nouvelles déjà autorisées, les constructions même anciennes déjà réalisées recèlent des sources de plus-values à terme par la simple raréfaction du foncier à venir.
De plus, sur le plan du rendement immobilier pur, et même si l’appétence croissante des investisseurs institutionnels conduit à des compétitions parfois féroces pour acquérir ces actifs, celui-ci reste attractif si on dépasse le rendement prime pour se pencher sur une analyse plus fine des transactions dites en « granulométrie » où l’on peut encore trouver des actifs à plus fort rendement tout en ayant les caractéristiques nécessaires à un maintien en patrimoine. Enfin, dans un contexte d’inflation tel que décrit plus haut, les loyers, dont la pente de croissance était déjà positive, seront mécaniquement appréciés, tous les baux comportant des clauses d’indexation.
Comme inscrit dans un article récent de La Centrale des SCPI, le secteur de l’immobilier de logistique ou d’entrepôt gagne des parts de marché considérables grâce à la croissance soutenue du e-commerce. De plus en plus d’investisseurs s’intéressent à l’immobilier logistique, aussi bien des professionnels et des institutionnels comme, plus récemment, des particuliers, par le biais notamment des SCPI de rendement. A côté des grands entrepôts où les flux sont massifiés, d’innombrables immeubles de logistique de taille moyenne émergent dans les grands centres urbains pour servir le plus rapidement possible les grandes métropoles et les consommateurs finaux.
Investir dans l’immobilier de logistique présente des avantages concurrentiels : des faibles coûts d’entretien et une possibilité d’extension des entrepôts existants afin d’élargir les surfaces d’exploitation. De plus, les entrepôts situés proches des grandes métropoles bénéficient d’une revalorisation du foncier non négligeable au fil des années. Il n’est donc pas étonnant que les institutionnels se soient intéressés depuis longtemps aux entrepôts et à la logistique.
Pour les particuliers ou investisseurs qui ne disposent pas de tickets d’entrée très élevés, la manière la plus accessible pour investir dans l’immobilier de logistique consiste à acheter des SCPI de rendement dédiées.
Alderan est une société de gestion créée en 2015 par Rémy Bourgeon. Elle est issue d’un family office immobilier, Ojirel, spécialisé depuis vingt-deux ans en immobilier professionnel, et en particulier dans le secteur des locaux d’activités et la logistique. Alderan agit de manière indépendante sur l’ensemble du cycle de détention : acquisition, gestion et revente. Sa connaissance du marché et son réseau d’apporteurs d’affaires permettent à Alderan d’avoir accès à des opérations exclusives et off market. Alderan commercialise la SCPI Activimmo, la première et toujours seule SCPI qui soit totalement dédiée à logistique. Créée en 2019, elle a décidé de centrer sa stratégie d’investissement sur des immeubles d’activités et de logistique, des entrepôts, des centres de tri ou de messagerie, afin de répondre aux besoins de toute la supply chain. Elle a offert en 2021 un taux de distribution de 6,02 % et sa société de gestion, Alderan, a comme objectif un taux de 5,5 % en 2022. Elle a dépassé en février une capitalisation de 400 millions d’euros et a obtenu le label ISR.