Par Jean-Francois Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu
Lors d’une transmission de patrimoine excédant les limites des abattements prévus par la loi, les bénéficiaires de la transmission doivent acquitter des droits, de donation ou de succession selon la nature du transfert. En matière de succession, le paiement des droits doit intervenir dans un délai de 6 mois à compter de l’ouverture de la succession. Toutefois, la loi prévoit que, sur option du bénéficiaire, le paiement des droits peut faire l’objet de divers aménagements.
D’abord, le paiement des droits de succession peut être différé. C’est notamment le cas lorsque la succession aboutit à un démembrement de propriété. En effet, le nu-propriétaire, à l’occasion de la transmission, ne reçoit qu’un droit à devenir, dans un futur indéterminé, plein propriétaire, mais il doit malgré tout, le plus souvent, acquitter des droits de succession conséquents. Ce différé prend fin, soit à l’occasion de la cession du bien démembré, soit lors de l’extinction de l’usufruit. Le paiement différé des droits est toutefois assorti d’un intérêt légal, dont le taux est aujourd’hui raisonnable (1,2 % par an). A titre d’exemple, pour des droits initiaux de 500 000 €, le nu-propriétaire devenu plein propriétaire devra acquitter des droits de 673 000 € si l’usufruit s’éteint au bout de 25 ans. Attention ! Il convient de garder à l’esprit que la revalorisation des biens démembrés pendant le démembrement n’est pas toujours alignée sur le taux d’intérêt légal, ce qui peut créer une difficulté au moment du paiement des droits.
Il est à noter que le nu-propriétaire dispose de la possibilité de ne pas voir sa dette fiscale majorée de l’intérêt légal. Mais en contrepartie, les droits sont calculés sur la valeur de la pleine propriété, le paiement étant reporté à l’extinction de l’usufruit.
Cette option peut toutefois se révéler coûteuse si l’usufruitier vient à disparaître prématurément. A titre d’exemple, faire ce choix alors que l’usufruitier a 71 ans à l’ouverture de la succession ne se révèle « attrayant » pour le nu-propriétaire que si l’usufruitier vit au-delà de 93 ans, car c’est au-delà de cet âge que le montant des droits en pleine propriété se révèle inférieur à ce qu’il serait dans le cas d’une transmission de nue-propriété majorée chaque année de l’intérêt légal.
Le second dispositif de faveur applicable est celui du paiement fractionné des droits de succession. Toutefois, une évolution assez récente a réduit l’intérêt de ce régime, car l’ensemble des paiements ne peut excéder une durée d’un an, ce délai étant porté à 3 ans lorsque la succession comprend une majorité de biens non liquides.
Aujourd’hui, ce court délai pose un problème aux héritiers d’actifs immobiliers, les délais de vente de ces actifs dans des conditions normales de marché étant incertains, compte tenu de la crise sanitaire.
Y a-t-il une solution de substitution ?
Oui. Les héritiers peuvent substituer un financement bancaire au crédit accordé par le Trésor. Les conditions de taux d’intérêt sont aujourd’hui compétitives, comparées à celles de l’intérêt légal, mais surtout le crédit peut couvrir une période plus longue, permettant de procéder à la cession de certains actifs immobiliers de la succession sans précipitation.
Qu’en est-il en matière de droits de donation ?
A l’exception des transmissions d’entreprises, qui bénéficient d’un régime particulièrement favorable, avec cumul du paiement différé et fractionné, et intérêt légal réduit des deux tiers, le paiement des droits de donation doit s’effectuer au comptant.
En matière de transmission d’entreprise, lorsque les titres n’ont pas vocation à être conservés par les bénéficiaires, mais à être revendus peu de temps après la donation, il y a alors un problème de financement intercalaire, les droits de donation devant être acquittés avant que les donataires ne reçoivent le prix de cession.
A défaut d’un financement par le donateur, ou de patrimoine personnel des donataires permettant d’acquitter ces droits, le recours à un financement bancaire intercalaire est là encore possible.
Certains contribuables ont aussi exploré la piste des dons manuels de titres, non déclarés, la déclaration des dons manuels et le paiement des droits intervenant une fois la cession réalisée. Cette stratégie, bien que validée par la jurisprudence, n’est toutefois pas sans risque, car le don manuel n’a pas alors date certaine, celle-ci pouvant être contestée par l’administration fiscale.
Une dernière option consiste à demander le bénéfice du paiement différé et fractionné, une fois celui-ci obtenu, il suffira d’y renoncer en acquittant les droits de donation, une fois la vente intervenue.
Des mécanismes à avoir à l’esprit lorsque se présente une transmission.