Le projet de loi anti-Airbnb, publié le 7 mai dernier, entend mettre un frein à la croissance effrénée des locations touristiques dans les grandes villes, au détriment de l’offre de logement. Plus contraignant sur le plan juridique et plus restrictif en matière d’avantages fiscaux, ce nouveau texte met un tour de vis sur un marché plébiscité par les investisseurs. Reste, toutefois, le régime LMNP/LMP, inchangé, et la location meublée longue durée, pour optimiser ses revenus fonciers.
Fin de partie pour le meublé touristique ? Publié le 7 mai dernier, la proposition de loi n° 1176, dite Le Meur, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, risque de changer la donne pour la location de biens meublés de tourisme, accusée de contribuer à la flambée des prix de l’immobilier et de réduire l’offre locative classique.
Portée par les députés sortants Annaïg le Meur (Renaissance) et Inaki Echaniz (PS), cette loi apporte d’importantes réformes, telles que l’application de normes énergétiques strictes pour les locations non résidentielles, la réduction des avantages fiscaux des locations meublées de tourisme, la déclaration systématique pour ces locations, le renforcement de la présomption d’usage d’habitation pour certains locaux, ainsi que la spécialisation des zones du PLU (plan local d’urbanisme) en habitation stricte, restreignant leur usage à la résidence principale. « Cette proposition de loi est une réponse du gouvernement au développement quasi anarchique des locations meublées de tourisme qui privent un certain nombre de familles résidant en zone urbaine de la possibilité de se loger, les propriétaires étant tentés, pour optimiser leur location, de proposer leur logement à une clientèle touristique en recourant, le plus souvent, à des plates-formes numériques de type Airbnb, Home Away, Abritel ou Sejourning », explique Jean-Louis Le Boulc’h, avocat-associé au cabinet Agika.Au-delà de nos frontières, cette réforme fait écho à une prise de conscience collective, à l’échelle internationale, puisqu’un projet de directive européenne (VAT in the Digital Age, ViDA) prévoit également d’assujettir à la TVA les prestations d’hébergement touristique transitant par des plates-formes numériques. Le meublé touristique semble bel et bien dans le collimateur de toutes les administrations fiscales.
Airbnb, la fête est finieGlobalement saluée par l’ensemble des députés présents sur les bancs de l’Assemblée nationale avant sa dissolution au soir de l’élection européenne, la proposition de loi transpartisane « anti-Airbnb » prévoit de réguler l’explosion des meublés de tourisme, au détriment des locations longue durée, dans les métropoles et certaines villes côtières.Voté le 29 janvier 2024 à l’Assemblée nationale, puis examiné par le Sénat le 21 mai, le texte final confirme la réduction des avantages fiscaux du régime micro-BIC en location de courte durée (article 3 de la proposition de loi). S’inscrivant dans le cadre de la loi de finances 2024, le nouveau régime s’appliquerait à partir du 1er janvier 2025, sans effet rétroactif sur les revenus perçus en 2024.
Volet fiscalLe succès du meublé de tourisme repose, en partie, sur une « anomalie » du système fiscal français, qui introduit une iniquité entre la location nue et meublée. L’activité de location meublée bénéficie, en effet, d’un traitement fiscal favorable grâce à la comptabilisation et à la déduction d’amortissements qui permet aux propriétaires-bailleurs de neutraliser jusqu’à 70 % de leurs recettes locatives. La location de locaux nus, à l’inverse, est imposable selon le régime des revenus fonciers, où les dépenses déductibles sont strictement encadrées par la loi fiscale (article 31 du Code général des impôts). « Alors que l’une des dernières niches fiscales, le dispositif Pinel prendra fin en décembre 2024, la réforme du régime de la location meublée et la restriction des avantages offerts par le micro-BIC auraient probablement pour effet de réorienter les investissements vers le logement et la location longue durée, dans les zones où la demande est la plus forte », rappelle Jean-Louis Le Boulc’h.La loi de finances pour 2024 avait déjà entériné la restriction des avantages fiscaux dont bénéficient les meublés de tourisme, en réduisant l’abattement forfaitaire lié au régime micro-BIC, afin de le rapprocher de celui existant au profit des microloueurs de logements nus (microfoncier). La loi Le Meur est venue durcir ces conditions.
Meublés de tourisme non classésAprès une seconde lecture du texte, les sénateurs ont maintenu le taux d’abattement de 30 % applicable aux meublés de tourisme non classés, contre 50 % actuellement, et abaissé le plafond de recettes annuelles au-delà duquel le contribuable doit passer au régime réel d’imposition à hauteur de 23 000 euros, contre 77 700 euros auparavant. La version initiale du projet de loi prévoyait d’abaisser ce plafond à 15 000 euros, mais le Sénat, dans un souci de « lisibilité et simplification » a préféré aligner le régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui du LMNP. « Cette réforme est dommageable pour les propriétaires d’un logement meublé de tourisme non classé qui n’ont pas suffisamment de charges pour basculer vers le régime réel », estime Mélanie Collu, directrice de l’ingénierie patrimoniale chez Crystal.
Meublés de tourisme classésLes meublés de tourisme classés avaient, en premier lieu, échappé au coup de rabot fiscal, en raison d’une erreur de rédaction. Non seulement, cette catégorie de biens conservait son régime en l’état (71 % d’abattement et un seuil de 188 700 euros), mais de surcroît, certains meublés de tourisme pouvaient prétendre à un abattement de 92 %. Des avantages fiscaux jugés « disproportionnés » et ne répondant à l’objectif de favoriser la location de longue durée.Si l’Assemblée nationale proposait un abattement ramené à 30 % et un plafond de recettes de 30 000 euros, le Sénat a finalement acté pour un taux d’abattement de 50 % et pour un plafond de recettes de 77 700 euros, comparable à la location longue durée. La réforme ne concerne pas les maisons d’hôtes, les gîtes ruraux et les stations de ski.
Quid de l’amortissement ?Autre sujet d’inquiétude pour les loueurs de meublés de tourisme relevant du régime réel : la réintégration du calcul des amortissements déduits dans le calcul de la plus-value pour la vente d’un bien associé à une activité de location de courte durée, prévue par l’article 4 de la proposition de loi. Adopté par les députés, cet article a été retoqué par le Sénat. Un « ouf » de soulagement pour les propriétaires de meublé qui conserve la possibilité de passer au régime réel d’imposition.
Conséquences de la loiUn changement du statut fiscal de la location meublée n’est pas sans soulever quelques difficultés techniques, voire des impasses lorsqu’il s’agit de remettre en cause des situations fiscales préexistantes. Jean-Louis Le Boulc’h identifie, notamment, trois risques majeurs pour les propriétaires-bailleurs d’un logement meublé.Tout d’abord, le risque de perte de déductibilité du stock d’amortissements réintégrés sur le fondement de l’article 39 C II 2 du Code général des impôts. « Les loueurs en meublé qui relèvent d’un régime réel d’imposition sont tenus de comptabiliser les amortissements relatifs au(x) bien(s) immobilier(s) inscrit(s) à leur actif. Or ces amortissements ne sont déductibles que pour autant qu’ils ne créent pas de déficits fiscaux », précise l’avocat. La loi prévoit, en effet, une limite de déductibilité égale à la différence entre le montant des loyers et celui des autres charges afférentes au bien loué. Les amortissements ainsi réintégrés sont « stockés » pour être déduits lorsque l’activité devient bénéficiaire. La suppression du BIC empêcherait donc le « déstockage » des amortissements, alors que le principe de la déduction ultérieure de ceux-ci est fixé par la loi.Autre écueil, la perte des avantages liés au dispositif Censi-Bouvard, prévu à l’article 199 sexvicies du CGI qui implique que les biens immobiliers ayant donné lieu à la réduction d’impôt, inclus dans des résidences avec services, telles que les résidences pour étudiants, les résidences seniors ou les Ehpad, soient affectés pendant neuf ans à l’exercice d’une activité de location meublée non professionnelle. « Qu’adviendra-t-il aux investisseurs qui se sont engagés, en 2022, à louer sous le statut LMNP (loueur en meublé non professionnel) pendant neuf ans dans le cadre d’un Censi-Bouvard qui s’achèvera en 2031 ? », s’interroge l’avocat.Enfin, un problème se pose pour les propriétaires qui ont choisi de procéder à la création de sociétés relevant du régime fiscal des sociétés de personnes, en l’occurrence des Sarl de famille. Ce régime fiscal dérogatoire est lié à l’exercice d’une option expresse prévue par la loi (article 239 bis AA du CGI), l’une des conditions requises étant que l’activité soit imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Si les revenus de location meublée devaient être rattachés à la catégorie des revenus fonciers, ces sociétés deviendraient alors automatiquement assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS). Pour Jean-Louis Le Boulc’h, il conviendrait alors de différencier deux régimes de locations meublées : les locations à caractère civil, destinées à l’habitation principale de l’occupant, dont le régime serait aligné sur celui des revenus fonciers, à l’image de la location nue et les prestations d’hébergement meublé à caractère commercial, dédiés à l’accueil d’une clientèle touristique, incluant ou non les services hôteliers, dont les recettes sont soumises à la TVA et à la cotisation foncière des entreprises (CFE), dont le rattachement à la catégorie des BIC semblerait logique et cohérent et qui verraient, de facto, leur champ restreint par une réforme du meublé. « Si, demain, la location à caractère civil, qu’elle soit nue ou meublée, bénéficiait des mêmes amortissements que le meublé de tourisme, cela créerait un environnement fiscal incitatif pour investir dans le logement nu et répondre aux besoins de mises en chantier pour accroître nos capacités de logements sur le territoire », assure-t-il.
Volet législatifOutre l’aspect fiscal, le projet de loi délivre de nouveaux outils aux communes pour restreindre le nombre de logements touristiques en ville. «Les meublés de tourisme ont vu le jour dans un désert législatif. Le vide juridique sur lequel cette nouvelle activité s’est créée a été comblé au fur et à mesure des contraintes observées et de l’explosion des locations de type Airbnb en une dizaine d’années, liée à la libéralisation des plates-formes numériques de réservation de vacances», relate Céline Galy-Carcenac, notaire associée de l’Etude Cheuvreux.La loi Le Meur vient offrir aux maires des villes particulièrement concernées par le phénomène des moyens d’action pour réguler le marché. Après avoir contraint, dès 2020, les contribuables à détenir un numéro de Siret, assujetti les recettes des locations saisonnières aux charges sociales, puis limité à cent-vingt jours dans l’année la possibilité de louer sa résidence principale, l’administration veut aujourd’hui généraliser la plateforme de déclaration et rendre l’enregistrement de tous les logements meublés obligatoire. « Il s’agit d’un outil de pilotage pour les maires qui leur permet d’avoir une visibilité et un contrôle sur le marché du tourisme local et qui a vocation à être national », ajoute la notaire.L’article 2 de la loi Le Meur donne également la possibilité aux élus des territoires en tension d’appliquer le régime d’autorisation de changement d’usage pour de la location touristique, actuellement limité aux communes de plus de deux cent mille habitants et à celles des trois départements de petite couronne parisienne. « Cet article vise à renforcer les règles d’urbanisme en définissant, notamment, une délimitation claire qui favorisera la construction de locaux à usage d’habitation au sein des plans locaux d’urbanisme », indique Céline Galy-Carcenac.
Hausse des taxes localesLa hausse vertigineuse des taxes locales, taxe foncière et taxe d’habitation, passée de 2 500 à 7 000 euros dans certaines communes, a de quoi refroidir les propriétaires. A cela s’ajoute la cotisation foncière des entreprises (CFE), auxquelles les entreprises sont assujetties au bout de deux ans d’activité, qui s’élève désormais à 1 500 euros. « L’étau se resserre sur le meublé de tourisme et il devient de moins en moins intéressant de louer via les plates-formes de location. Avant 2020, il était possible de doubler ses revenus locatifs saisonniers, aujourd’hui, ce n’est plus le cas et la prise de risque – dégradations, nuisances, turnovers fréquents, actes de malveillance – n’est plus rémunérée à hauteur», affirme Roy Masliah, fondateur de Decla.fr, estimant que « le jeu en vaut rarement la chandelle ». D’autant plus que l’article 1 de loi Le Meur prévoit aussi de soumettre les logements loués en courte durée aux mêmes obligations réglementaires que les locations de longue durée, notamment en ce qui concerne la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE).De quoi alourdir la facture des propriétaires. « Alors que la loi climat et résilience a déjà eu pour effet de sortir du marché locatif les logements frappés d’indécence énergétique, entraîner une pénurie de biens à louer, cette nouvelle loi risque d’enfoncer le couteau dans la plaie et de dissuader totalement les propriétaires de louer », s’alarme Céline Galy-Carcenac.L’amoindrissement des avantages fiscaux et la hausse des charges et contraintes vont peser sur la rentabilité de l’investissement locatif, sur un marché immobilier où les taux d’intérêt restent élevés.
Un impact limitéSi la loi anti-Airbnb envoie «un mauvais signal»aux investisseurs, son impact sur les propriétaires-bailleurs devrait, toutefois, être limité. « La cible de huit cent mille logements touristiques concernés par cette loi est mince et ne représente qu’une infirme partie du marché au regard du nombre de logements en France », tempère Céline Galy-Carcenac, rappelant la forte demande locative sur ces marchés.« La location meublée touristique restera indispensable dans certains secteurs, tels que les stations de montagne, où elle participe à l’économie locale et régionale, ainsi que pour les villes de bord de mer dans lesquelles l’offre hôtelière demeure inférieure à la demande », assure-t-elle.En outre, la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le président de la République, dimanche 9 juin, à l’issue des élections européennes, pourrait bien changer la donne législative. De fait, tous les projets de loi en cours sont suspendus jusqu’à la désignation d’un nouveau gouvernement qui aura lieu après le résultat des élections législatives, le 7 juillet. Plusieurs scenarii se dessinent : soit le texte fait globalement consensus et sera voté tel quel, soit les assouplissements du Sénat ne seront pas partagés par l’Assemblée nationale et la loi ne sera pas votée en l’état, voire totalement révisée, ou encore, purement et simplement abandonnée. Ce flou artistique vient jeter le trouble sur un marché de l’immobilier qui commençait à peine à reprendre des couleurs.Comment investir en LMNP/LMPDans ce contexte, la question de la pertinence d’investir dans le meublé doit-elle se poser ? Non, à en croire Benoît Berchebru, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Nortia : « Comme tout investissement, il y a des avantages et des inconvénients. Si les locations courte durée permettent d’afficher des prix plus élevés à la nuitée que la location meublée classique, et c’est encore plus vrai pendant cette période des jeux Olympiques, la mouvance de la fiscalité en matière de location courte durée et des changements à venir doit être prise en compte avant d’investir. Car si dans certaines villes touristiques, quinze jours de location à la nuitée peuvent correspondre à un mois ou un mois et demi d’un loyer meublé classique, cet investissement demande une gestion plus importante (locataire, réparation, dégradation, défaut de paiement, etc.). » La souplesse de gestion du meublé séduit également les propriétaires – tout particulièrement les Français expatriés (cf.encadré ci-contre) –, parfois jusqu’aux frontières de la légalité. « Si certains propriétaires ont mis fin au bail meublé classique de manière anticipée pour pouvoir louer leur bien à la nuitée pendant les jeux Olympiques de Paris, ceux qui n’ont pas respecté la durée de préavis et/ou le/les motifs pour mettre fin au bail (arrivée du terme avec préavis, congé pour vendre ou y habiter, etc.) encourent un risque juridique et fiscal », prévient le directeur.Sans compter, les propriétaires qui se sont retrouvés sur le carreau, le logement vide, face à une demande moins forte qu’attendue. « De nombreux particuliers en sont revenus, après avoir cédé aux sirènes des loyers mirobolants. Ceux qui, il y a un an, avaient anticipé l’effet JO en ont certes profité, mais les retardataires, investisseurs ou marchands de biens, s’y sont cassé les dents », note Sandrine Ritter, agent immobilier et fondatrice de Ritter Immobilier.En mars, les taux de remplissage atteignaient à peine 60 %, contre 80 % l’an dernier, en raison d’un trop grand nombre de biens à louer sur le marché.
Privilégiez la location longue duréeSi la location meublée saisonnière se trouve bel et bien dans le viseur du gouvernement, la location longue durée conserve, de son côté, tous ses avantages pour les propriétaires-bailleurs. « Contrairement à la location saisonnière, la location longue durée ne sera pas soumise à des revirements politiques ou à des lois qui deviendront plus contraignantes à l’avenir, puisqu’elle est promue par l’Etat afin de répondre aux besoins en logements des Français. Les investisseurs ont donc tout intérêt à basculer de la location de courte durée vers le bail mobilité ou le bail d’un an renouvelable, qui leur apportent à la fois de la souplesse et de la pérennité », assure Souheil Yansi, cofondateur des Secrets de l’Immo.Ce dernier n’exclut d’ailleurs pas une future bonification sur la location longue durée, destinée à attirer les propriétaires et les bailleurs sur ce marché et à inciter l’investissement à long terme. « Le statut hybride du loueur en meublé non professionnel (LMNP) conjugue le meilleur des deux mondes en permettant aux particuliers de bénéficier de l’amortissement propre au régime de l’impôt sur les sociétés pendant toute la durée de la location puis, à la revente du bien, de l’application du régime des plus-values immobilières des particuliers (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), sans tenir compte des amortissements réalisés », résume l’expert.
Effet levier de la colocationPionnier de la colocation depuis 2008, le groupe Colocatère configure et aménage les biens immobiliers afin qu’ils correspondent aux critères du régime meublé. Positionné sur la location longue durée, le groupe propose des offres packagées, comprenant l’aménagement des espaces et la décoration d’intérieur, élaborés par des professionnels, ainsi que des meubles de qualité (un lave-linge, un sèche-linge et une télévision connectée dans chaque chambre). « Plus l’on soigne la décoration et l’ameublement, moins l’on observe de dégradations. Les locataires sont plus respectueux des logements bien équipés et ont envie d’y rester plus longtemps », constate Loïg Lemeilleur, directeur général de Colocatère.Le groupe gère ainsi un peu plus de mille biens en colocation, de deux à dix-sept chambres, répartis dans trente grandes villes de France. Les annonces de colocation ont fleuri ces dernières années, signe que les investisseurs s’y intéressent. « La colocation dispose d’un effet de levier qui améliore la rentabilité locative. Un T3 meublé en colocation situé dans une ville de province se louera, en moyenne, 500 euros par chambre, soit un montant total de 1 500 euros, contre 700 à 800 euros en location classique », explique Loïg Lemeilleur.Pour ses frais de gestion, la société perçoit entre 6 et 8 % des loyers encaissés hors taxe, selon la taille des logements. Les locataires y trouvent une solution d’hébergement clés en main, où il n’y a qu’à poser des valises pour emménager. Assurant une gestion de A à Z des biens (du sourcing aux travaux, en passant par l’état des lieux et l’entretien), Colocatère propose des produits d’investissement à partir de 100 000 euros.
Acheter un bien avec travauxLe DPE devenu obligatoire pour la mise en location d’un logement vide ou meublé, les propriétaires-bailleurs doivent faire face à de nouvelles charges et réaliser, dans l’ancien, des travaux d’isolation coûteux pour améliorer la performance énergétique de leur bien. « Plus encore que la fiscalité, l’obligation de rénovation et de remise aux normes freine une partie des investisseurs, qui se montrent désormais moins nombreux et moins agressifs sur l’achat de biens meublés. Ils sont également plus regardants sur le DPE », observe Sandrine Ritter.Tout comme Colocatère, Finvest Immo, filiale du groupe, est spécialisé dans la transformation des biens. Du simple rafraîchissement à la rénovation complète, Finvest Immo s’engage à améliorer la note finale au DPE des biens qu’elle transforme en studios, T1 ou T2 et plus. La filiale s’est dotée de logiciels utilisés par les diagnostiqueurs professionnels pour atteindre, a minima, la lettre D après travaux. « La création de valeur provient de la qualité de la rénovation des logements que nous transformons et du prix auquel nous les achetons au départ », indique Loïg Lemeilleur. Acheter moins cher pour obtenir une meilleure valorisation à la revente:telle est l’équation appliquée par le groupe pour gagner des points de rentabilité dans un environnement contraint.
Le choix du régime fiscalSelon la stratégie d’investissement déployée, le mode de détention et le régime d’imposition du bien meublé ne seront pas les mêmes. Dès lors que les recettes locatives dépassent 23 000 euros, le propriétaire bascule automatiquement dans le régime LMP (loueur en meublé professionnel) pour lequel, l’imposition sur les sociétés est recommandée. « D’une façon générale, plus le taux marginal d’imposition sur les revenus est élevé, plus il sera intéressant d’opter pour l’IS », note Roy Masliah.
Stratégie de transmissionDans un objectif de transmission, l’on optera pour une Sarl de famille, le régime s’appliquant à la condition exclusive que la société exerce une activité commerciale. « Ce dispositif permet aux propriétaires de transmettre leurs biens immobiliers à moindre coût, si la société est endettée, via un démembrement de propriété, soit à travers des parts de société. Cela évite, en cas de décès, les situations d’indivision entre plusieurs enfants, parfois délicates à gérer », explique Mélanie Collu. Avec le durcissement, d’année en années, de la fiscalité sur les revenus et dès lors que le taux marginal d’imposition (TMI) dépasse la tranche des 30 %, il est toujours plus intéressant d’adopter une structure à l’impôt sur les sociétés (IS). « Lorsque l’on est dans une stratégie d’investissement couplée à une volonté de transmission, l’IS reste la meilleure option et celle qui, contrairement à l’impôt sur le revenu, connaît une évolution positive », soutient-elle.
Plus-value à la reventeDans l’optique d’une détention longue et sans volonté de transmission, la taxation des revenus locatifs à l’impôt sur le revenu (IR) peut avoir ses avantages, en dessous d’une TMI à 30 % et de 23 000 euros de recettes, mais également, lors de la revente. « Dès cinq ans de détention du bien meublé, l’imposition sur la plus-value est réévaluée à 52,5 % par an, l’IR disparaît après vingt-deux ans et au-delà de trente ans, le propriétaire n’a plus à s’acquitter des prélèvements sociaux », note Roy Masliah. A l’inverse, dans le cadre d’une SCI (société civile immobilière), le propriétaire n’aura pas d’impôts à payer sur ses revenus locatifs grâce à l’amortissement et à la déduction des charges et loyers, mais à la revente ces avantages fiscaux seront réintégrés. « Pour un bien acheté un million d’euros et détenu vingt ans, le propriétaire réalisera un amortissement de 800 000 euros, sur lequel il sera taxé à la revente », ajoute l’expert.
Les avantages du régime réelDeux possibilités s’offrent aux propriétaires de meublé:le régime micro-BIC (en dessous de 15 000 euros de recettes) ou le régime réel. Dans le cadre du LMNP, l’on préconise le régime réel qui, après abattements et déduction des charges, permet souvent d’atteindre un résultat proche de zéro, voire déficitaire sous réserve de la règle du plafonnement lié à l’amortissement. Selon Benoît Berchebru, «le microfoncier devient intéressant le jour où le propriétaire n’a plus de charges ni de travaux à réaliser».
Activités para-hôtelièresAu côté du LMNP, une troisième voie se crée avec le régime para-hôtelier : la transformation d’appartements en chambres d’hôtels proposant un service de conciergerie. « Il s’agit de petits immeubles en R+2 ou R+3, situés à proximité d’hôtels quatre ou cinq-étoiles et dont les appartements sont conçus comme des chambres d’hôtel de luxe, louées à la nuitée. Ce phénomène émergent séduit de plus en plus d’investisseurs », observe Sandrine Ritter.Dépendant d’un régime fiscal différent de celui de la location meublée, les activités para-hôtelières constituent une activité commerciale et relèvent des BIC : elles sont donc assujetties à la TVA en raison de la fourniture des services para-hôteliers (article 261 D, 4°-b du CGI). Les locations doivent être accompagnées d’au moins trois des quatre prestations suivantes : le nettoyage régulier des locaux, le petit-déjeuner (en chambre ou dans un local dédié), la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle (un simple système d’accueil électronique suffit). Elles nécessitent la création d’une SCI imposée à l’IS. « Il s’agit d’une activité commerciale et non immobilière, par conséquent, sortant du cadre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les propriétaires qui détiennent, par ailleurs, du patrimoine », note l’agent immobilier.Dans le cadre d’un réinvestissement après la cession d’une entreprise, et en vertu de l’article 150-0 B ter du CGI qui permet bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value mobilière en réalisant un apport-cession de titres dans une holding, de nombreux chefs d’entreprise se lancent également dans des projets immobiliers avec activité commerciale, notamment le coliving.
Vers un statut du bailleur privé ?La proposition de loi Le Meur s’inscrit dans une réflexion plus large sur la création d’un statut du bailleur privé, en cours de rédaction, et qui pourrait voir le jour dans la loi de finances 2025. Sous réserve que, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, les réflexions se poursuivent… Défendu par la Fnaim depuis 2008, ce nouveau statut viserait à supprimer la distorsion entre la location libre et meublée, celle-ci étant considérée comme une échappatoire fiscale. «Paris a multiplié par deux le nombre de logements meublés, et ils représentent 25 % de l’offre locative dans les métropoles françaises. La loi Le Meur touche un sujet sociétal qui met en lumière l’enjeu du parcours résidentiel des Français et l’accès au logement des ménages», soutient Loïc Cantin, président de la Fnaim. Selon lui, le rééquilibrage avec la location nue passera nécessairement par un rabotage fiscal et un lissage des avantages du régime meublé. «Il faut redonner un avantage concurrentiel à la location nue, remettre de l’ordre fiscal dans le régime locatif afin d’endiguer l’attrition du parc locatif», avance-t-il.
Vers un statut de loueur immobilier professionnel ?L’idée d’un statut unique fait aussi son chemin chez les Notaires de France qui ont publié, à l’occasion de leur congrès annuel, une série de propositions allant dans ce sens.
Ils plaident, tout d’abord pour la création du statut LIP (loueur immobilier professionnel) réservé aux loueurs de logements nus, assorti d’un plafonnement des prélèvements obligatoires à 75 % maximum des revenus locatifs. Ils souhaitent, ensuite, étendre la faculté d’imputation des déficits (10 700 euros par an) aux locations meublées, étant précisé que le dispositif ne concerne, jusqu’à présent, que les revenus fonciers et soutiennent la création d’un statut fiscal immobilier uniforme, applicable aux revenus fonciers comme aux revenus de location meublée. Ils entendent ainsi freiner, par la réduction des avantages fiscaux, du développement de la location meublée et, en particulier, des locations courts séjours (style Airbnb).
Refonte du régime meubléPour Jean-Louis Le Boulc’h, il apparaît, ainsi, que la création du statut de bailleur privé est une tâche à la fois complexe et délicate, qui nécessitera de proposer, le moment venu, une refonte de certains aspects du régime fiscal de la location meublée. «Il serait utile d’unifier les règles applicables à la généralité des loueurs en meublé avec celles régissant la généralité des BIC, ce qui n’interdit pas de maintenir la distinction LMP/LMNP, notamment pour accéder au dispositif d’exonération de taxation des plus-values visé à l’article 151 septies du Code général des impôts, relatif aux plus-values réalisées par les petites entreprises», explique-t-il, convaincu que, pour qu’une réforme soit efficace, «elle doit procéder d’une approche panoramique, intégrant tous les éléments d’appréciation susceptibles de permettre de proposer des modifications à la fois simples et cohérentes, notamment au regard de la distinction activité civile/activité commerciale». Si le régime meublé doit, en effet, évoluer, il s’agira toutefois de ne pas porter un coup brutal à un secteur du logement déjà en crise.
Conciergerie : un marché en pleine expansionLes offres de services de conciergerie adossés à la location meublée touristique fleurissent. Ces opérateurs accompagnent les propriétaires dans la gestion locative de leur bien, de la mise en ligne de leur annonce sur les plates-formes et les réseaux sociaux, à l’entretien ou à la décoration du logement. Créée en décembre 2023, les Clés fleuries couvre le territoire de la Côte Fleurie en Normandie, de Blonville-sur-Mer à Houlgatte dans le Calavdos, et fait l’interface avec les voyageurs depuis leur réservation jusqu’à leur départ. En plus des prestations para-hôtelières haut de gamme (location de draps, traiteur, ménage en cours de séjour, etc.), la société propose également des services de gardiennage, jardinage et maintenance. « Nous fournissons une qualité de services élevée afin que nos clients propriétaires puissent conserver le classement de leur bien meublé », explique Amandine Laporte, cofondatrice de la société. Sa commission s’élève à 20 % du montant net du séjour perçu.Les Clés fleuries gère une trentaine de biens et s’est dotée d’outils numériques d’optimisation pour faciliter le pilotage de ses actifs.En 2024, elle a formulé une demande de la carte G, sésame pour la gestion locative, auprès de l’Association des concierges de France. En 2025, elle s’oriente vers le bail professionnel 3/6/9, un bail commercial de neuf ans maximum et qui peut être résilié par le preneur tous les trois ans à sa date d’anniversaire, et la sous-location. « Nous visons à accroître nos fonds sur la conciergerie afin d’avoir la capacité de signer de beaux contrats avec des professionnels pour gérer leurs biens inoccupés et générer des revenus toute l’année», annonce Amandine Laporte.
L’IA au service de la locationLa plate-forme Homapi, lancée en juin dernier, met l’intelligence artificielle au service des propriétaires bailleurs. Elle intègre le carnet d’information du logement (CIL), obligatoire pour tous les logements neufs ou ayant subi des travaux de rénovation impactant leur performance énergétique depuis 2023, alimenté par l’IA.Grâce à cette technologie innovante, Homapi offre une analyse approfondie de l’état d’un logement et de ses perspectives d’évolution. Sur la base de diagnostics, de factures et de divers contrats, la plateforme fournit des recommandations spécifiques pour la vente, la location ou la rénovation. La marketplace intégrée facilite ensuite la mise en relation avec des milliers de prestataires qualifiés, sécurisant ainsi les échanges et garantissant la compétence des intervenants. « Il s’agit d’un outil qui, à partir de votre adresse postale, orchestre et centralise toutes les données d’un bien immobilier, et qui grâce à celles-ci et son assistant virtuel vous facilite toutes vos démarches au quotidien », explique Eric Houdet, fondateur de Homapi.La plate-forme propose de nombreuses fonctionnalités gratuites et un module payant pour les services reposant sur l’IA.
Location meublée pour les expatriésLe régime LMNP/LMP a toujours la cote auprès des Français expatriés qui, pour 70 % d’entre eux, le plébiscitent. Simple à mettre en place, le régime permet à ces investisseurs d’être propriétaires à 100 % en leur nom propre ou via une société, dans le cadre d’une succession, tout en leur accordant une grande souplesse. « L’investissement locatif est un moyen, pour ces actifs qui ne savent souvent pas quand ils vont rentrer en France, de lever de l’argent via un crédit bancaire pour financer un projet locatif ou un appartement pour loger leur(s) enfant(s) étudiant(s), sans contrepartie fiscale trop contraignante. En cas de coup dur, ils ont le choix sur le prix de revente, en fonction de la tension du marché », note William Demoustier, fondateur d’Expat’Immo. Ce profil d’acheteurs opte, de préférence, pour le régime au réel qui neutralise la fiscalité sur les revenus locatifs pendant une dizaine d’années. « Les non-résidents qui ont leur impôt sur le revenu à l’étranger ne peuvent pas profiter du déficit foncier sur les travaux réalisés, mais ils peuvent bénéficier de l’amortissement du prix total d’acquisition du bien sur leur assiette imposable », ajoute l’expert. « Ils n’ont pas besoin de revenus immédiats, mais de se constituer un capital en France où ils ne cotisent pas pour leur retraite », précise-t-il. Quant aux menaces qui pèsent sur le Airbnb, William Demoustier en est certain : « il restera toujours des opportunités sur les marchés de niche, les petites villes où l’offre hôtelière fait défaut ». A condition de sortir des sentiers battus…