Avec la publication en mars dernier du dernier volet du sixième rapport d’évaluation (AR6)[1] du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 2023 a marqué un tournant dans l'histoire du changement climatique mondial. À travers ses près de 10 000 pages, la plus haute autorité scientifique en matière de changement climatique a mis en lumière la réalité pressante selon laquelle le réchauffement climatique a désormais plus d’une chance sur deux d’atteindre 1,5°C à court à moyen terme.
Océane BALBINOT-VIALE, Analyste ESG senior
Le dernier volet a alimenté le rapport du Bilan mondial de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)[2], qui souligne que la trajectoire de 1,5°C nécessite désormais une baisse des émissions mondiales de 43 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019 et de 60 % d'ici 2035. Dans le sillage de ces deux rapports historiques, le rôle des institutions financières n’a jamais été aussi crucial, et le secteur financier s’est retrouvé davantage placé au centre de l’action. L’influence du secteur financier sur l’allocation mondiale des capitaux lui offre une opportunité unique de conduire la transition vers une économie durable à faibles émissions de carbone. Parallèlement à des réglementations mondiales de plus en plus strictes, ceci conduit un nombre croissant d’institutions à s’engager à s’aligner sur l’Accord de Paris.
Cependant, le chemin vers le « Zéro émissions nettes » est complexe. Alors que la fenêtre d’opportunité pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C se rétrécit, les investisseurs se tournent vers l’un des outils les plus essentiels de leur boîte à outils de stratégie climatique : l’évaluation de la température des portefeuilles. Cette approche est plus qu'un simple symbole de l'impact environnemental d'un portefeuille ; c'est un reflet tangible du degré potentiel de réchauffement climatique que pourraient provoquer les émissions des investissements sous-jacents.
La « température » du portefeuille fournit aux investisseurs des informations cruciales sur plusieurs fronts. Premièrement, elle offre un moyen de suivre et de mesurer les progrès vers les objectifs de décarbonation. Des évaluations régulières de la température peuvent servir d'indicateur de suivi des performances, permettant aux investisseurs de déterminer si un portefeuille est sur la bonne voie pour atteindre le « Zéro émissions nettes ». Deuxièmement, les évaluations aident à identifier et à atténuer les risques financiers liés au climat. Un portefeuille axé sur des actifs à fortes émissions n’est pas seulement préjudiciable à l’environnement, mais il pourrait également être confronté à des risques financiers importants – réglementaires, de marché, de réputation et de litiges – dans un monde en transition vers des alternatives à plus faibles émissions de carbone. Enfin, une évaluation rigoureuse de la température peut améliorer la responsabilisation et la transparence, répondant à la demande croissante des parties prenantes de divulgation d’informations exhaustives sur l’approche climatique et les investissements éthiques.
Cependant, déterminer la température d’un portefeuille n’est pas une mince affaire. L’absence d’une approche universellement approuvée implique d’explorer une panoplie complexe de méthodologies, chacune avec ses forces, ses limites et ses biais intrinsèques. Qu'il s'agisse du « Climate Disclosure Project (CDP) - World Wildlife Fund (WWF) Temperature Rating », de la méthodologie « Trucost Portfolio 2°C Alignment Assessment » de S&P, de « The Paris Agreement Capital Transition Assessment » (PACTA), du modèle « Implied Temperature Rise » (ITR) de MSCI ou de la méthodologie « Carbon Impact Analytics » (CIA) de Carbon4, les investisseurs sont confrontés à un large éventail d'outils pour guider leur parcours de transition.
Mais comment comparer ces méthodologies ? Quels sont leurs mérites relatifs et potentiels inconvénients ? Comment gérer les incertitudes qui en découlent ? Et, en tant qu’investisseur, quelles conclusions tirer de l’hétérogénéité des résultats quant à la contribution estimée d’un même portefeuille à un avenir bas carbone ?
Comprendre l’éventail des méthodologies est une première étape nécessaire. Le choix de la méthodologie façonnera évidemment les stratégies climatiques des investisseurs, influençant ainsi les décisions de désinvestissement, les allocations de capital, l’engagement des actionnaires et la prise de position dans l’élaboration des règlementations. Dans un monde confronté à des défis environnementaux sans précédent, ces décisions pourraient faire la différence entre un avenir caractérisé par un changement climatique incontrôlable et le fameux monde « Zéro émissions nettes ».
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AR6 Synthesis Report: Climate Change 2023 (ipcc.ch) 20 mars 2023
https://unfccc.int/sites/default/files/resource/sb2023_09E.pdf 8 septembre 2023
Par Océane BALBINOT-VIALE, Analyste ESG senior, La Française AM
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