En 2023, le marché des CoCos a vu disparaître plus de 6 % de sa base d’actifs, avec l’effondrement soudain de 16 milliards de dollars d’obligations de Credit Suisse. Certains prédisaient que cela signerait la mort de ce marché et que la confiance avait été rompue. Pourtant, les CoCos se sont rapidement redressées, car les investisseurs savaient que la situation de Credit Suisse était un événement ponctuel et non l’annonce d’une crise systémique imminente.
Jérémie Boudinet, Responsable de la Gestion Crédit Investment GradeUn an plus tard, une autre banque est en difficulté : la Deutsche Pfandbriefbank.Il s’agit d’un petit prêteur allemand opaque, uniquement spécialisé dans le crédit immobilier commercial en Europe et aux États-Unis, qui est dans l’œil du cyclone. Quoi qu’il arrive à cette petite banque, il n’y a pas eu de contagion à d’autres émetteurs et nous ne pensons pas qu’il y en aura. Et la raison en est simple : ce sont des événements darwiniens. Les mauvais joueurs sont éliminés par le marché et seuls les plus robustes s’en sortent. Cet épisode nous semble comparable à celui de Banco Popular en 2017 (dépréciation totale de l’ensemble de sa dette subordonnée) : un événement idiosyncrasique qui a finalement conduit à davantage de consolidation. C’est la raison pour laquelle les banques sont devenues beaucoup plus importantes ces 15 dernières années : elles doivent maintenir des bilans solides et atteindre une taille critique pour rester rentables et solvables en même temps.
L’attention médiatique que reçoivent les CoCos en cas de défaut est bien plus importante que celle de n’importe quelle société non financière sur le marché du haut rendement, même si ce dernier peut subir et subit effectivement beaucoup plus de défaillances. Nous considérons en réalité cette stigmatisation sur le marché des CoCos comme un bon argument pour acheter la classe d’actifs. Vous connaissez le mantra : il faut être craintif lorsque les autres sont avides, et être avide lorsque les autres sont craintifs. Les périodes de volatilité sont habituelles dans nos classes d’actifs à bêta élevé et constituent généralement un bon point d’entrée. Les incertitudes sur l’immobilier commercial ne nous inquiètent pas vraiment, car toutes les banques systémiques européennes ont des expositions tout à fait gérables. Elles vont certes augmenter leurs provisions pour couvrir ces risques plus élevés, mais cela ne devrait pas peser sur leurs indicateurs de crédit, leur rentabilité n’ayant jamais été aussi bonne que lors de ces 15 dernières années.
Les valorisations relatives de la classe d’actifs nous semblent réjouissantes, même après le rebond spectaculaire de tous les segments obligataires au quatrième trimestre de 2023. Les rendements des CoCos libellées en euros sont toujours supérieurs à 8 % en moyenne et nous pensons que les rendements absolus devraient être un facteur de soutien pour la classe d’actifs tout au long de l’année 2024. Les CoCos devraient également bénéficier(i) de l’assouplissement des décisions de politique monétaire et de la baisse des taux, (ii) des anticipations d’afflux de capitaux importants dans tous les segments obligataires et (iii) d’une légère récession macroéconomique en Europe, ce qui est très gérable pour les spreads de crédit dans leur ensemble. Par conséquent, nous pensons que les CoCos représentent une bonne opération de portage pour 2024, ainsi qu’une composante favorable à la compression des taux qui pourrait améliorer leur performance.
Par Jérémie Boudinet, Responsable de la Gestion Crédit Investment Grade
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