Alors que la conjoncture mondiale montre des signes de fébrilité, entre pressions inflationnistes, remontée des taux d’intérêt et incertitudes sur la croissance, quel diagnostic établir de l’économie française ? Si l’Hexagone jouit notamment d’une démographie dynamique parmi les pays européens et d’une force d’attraction pour les investissements directs étrangers, le faible taux d’emploi des jeunes et des seniors ou l’endettement public font encore figure de carences structurelles. Radioscopie.
Pénalisé par la crise sanitaire et la vague Omicron – certes de manière beaucoup moins aiguë qu’en 2020-2021 − puis par l’impact de la guerre en Ukraine, le PIB français a marqué le pas au 1er trimestre et c’est en particulier la consommation des ménages qui en a pâti, exposée à l’accélération des prix. La croissance devrait s’établir à 2,8% cette année suivie d’une modération proche de 1,8% en 2023. Même si au cours des deux dernières années les mesures d’urgence gouvernementales ont permis de limiter le choc économique et social, la pandémie a nourri certaines faiblesses de l’économie française.
En tout premier lieu, la santé des finances publiques demeure le principal sujet d’attention. Sur la base du projet de plan budgétaire pour 2022, la dette publique refluerait légèrement à 114% du PIB selon les prévisions du gouvernement, mais ces estimations risquent d’être ajustées. Le programme pluriannuel des finances publiques prévoit une réduction du déficit budgétaire à 2.6% du PIB en 2027 et une dette publique quasi inchangée aux environs de 115% du PIB à cet horizon. Ces projections incluent une modeste amélioration du déficit structurel de 4.7% du PIB en 2022 à 2.9% en 2027.
Les mesures de soutien à la croissance freinent la consolidation des finances publiques…
Il n’en reste pas moins que le budget 2022 va rester marqué par les mesures de soutien à la croissance et à l’emploi. Toute consolidation discrétionnaire semble prématurée. La France devra donc fournir des efforts importants pour inscrire son ratio dette/PIB sur une trajectoire baissière. La Commission européenne l’a d’ailleurs souligné via ses avis sur les projets de plans budgétaires : la France doit « préserver une politique budgétaire prudente afin d’assurer la viabilité des finances publiques » lorsqu’elle prend des mesures de soutien. L’équation est donc assez claire, l’enjeu budgétaire des trimestres à venir sera de réussir la sortie de crise, avec en toile fond le retrait progressif de ces mesures exceptionnelles.
Deux autres menaces planent sur l’activité économique. D’une part, le maintien d’un faible taux d’emploi chez les jeunes et les seniors, associé à un niveau médiocre de formation continue et à une dégradation générale du niveau d’études chez les jeunes actifs. Ces problématiques ainsi que l’insuffisance des dépenses en R&D pèsent mécaniquement sur l’indice de capital humain mesurant le potentiel de productivité future des jeunes générations.
D’autre part, la France présente une balance commerciale structurellement déficitaire en raison d’un niveau élevé d’importations de biens et d’énergie. A l’instar de nombreuses autres économies, le commerce extérieur de la France a subi en 2020 une importante dégradation par rapport à la situation qui prévalait avant crise sanitaire. Les exportations françaises de biens ont baissé de 16% par rapport à 2019 selon les Douanes tandis que les importations ont diminué de 13%. Il en a résulté une accentuation du déficit commercial des biens de quasi 10 milliards d’euros, à -65.2 milliards.
…mais l’image intacte d’un pays attractif à l’international
Au rang des atouts caractéristiques de la France, sa « performance sociale » demeure très satisfaisante avec un score bien au-delà de la moyenne des pays de l’OCDE. La démographie et les modes de vie de la France sont toujours enviés : plus forte natalité d’Europe, plus longue espérance de vie en bonne santé. Aussi, le système politique et la gouvernance du pays apportent des gages de robustesse et de stabilité, en dépit des vagues d’attentats et des épisodes de contestation des dernières années. Selon les indicateurs de la Banque Mondiale, le pays affiche ainsi une note moyenne de 81/100 dans ce domaine, établie à l’aune d’une série de critères parmi lesquels la qualité de l’état de droit, du système réglementaire ou de la liberté d’expression.
Ces conditions sont favorables à l’attractivité de la France aux yeux des investisseurs étrangers et des entreprises qui viennent y établir leurs activités. Une attractivité que la crise du Covid n’a pas altérée : au terme de l’année 2020 et pour la deuxième année consécutive, la France est restée le premier pays européen d’accueil des projets d’investissements étrangers (source EY, 2021).
Enfin, les nombreuses réformes structurelles (de la fiscalité, du marché du travail, de l’éducation et de la formation) engagées depuis 2017 ont déjà produit des résultats encourageants, notamment en matière de compétitivité-coût et de renforcement de l’appareil productif, jusqu’à l’éclatement de la pandémie. La France devra donc reprendre le fil de son ambitieux programme de réformes auquel est parallèlement associé le plan d’investissement « France 2030 ». L’enjeu, comme leur portée, sont éminemment structurels : transformer, renforcer et accroître durablement l’économie nationale.
Par Maryse Pogodzinski, économiste, et Patrick Goux, analyste, chez Groupama AM
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