Par Benoît Berchebru, Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale de Nortia
Le tuteur est autorisé, en application de l’article 501 du code civil, à placer sans autorisation du juge, des fonds sur un compte ouvert au nom de la personne protégée. Cette autorisation s’applique-t-elle au versement complémentaire sur un contrat d’assurance-vie suite à l’adoption de la loi du 23 mars 2019 portant réforme et simplification de la justice ? La Cour de cassation, dans un avis du 18 décembre 2020 (1), a eu l’occasion de rappeler la règle applicable.
Dans le cadre de la gestion du patrimoine d’une personne protégée, il convient de faire la distinction entre les actes d’administration et les actes de dispositions (2).
Les actes d’administrationUn acte d’administration est un acte simple, d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal.
Constitue un acte d’administration que le tuteur peut réaliser seul sans l’accord du juge des tutelles : la résiliation d’un bail d’habitation en tant que bailleur, la quittance d’un paiement, la conclusion ou le renouvellement d’un contrat d’assurance de bien ou de responsabilité civile, une opération d’arbitrage d’une unité de compte vers le fond euro sur contrat d’assurance-vie etc.
Les actes de dispositionUn acte de disposition est un acte grave, qui engage irrémédiablement le patrimoine de la personne protégée, les prérogatives de celle-ci ou son mode de vie.
Constitue un acte de disposition, la vente ou l’apport en société d’un immeuble, l’acceptation par l’acquéreur d’une promesse de vente, la souscription d’un contrat d’assurance vie, le versement de nouvelles primes, etc.
Les nouvelles dispositions du code civilL’article 501, alinéa 1er, du Code civil énonce que « Le conseil de famille ou, à défaut, le juge, détermine la somme à partir de laquelle commence, pour le tuteur, l'obligation d'employer les capitaux liquides et l'excédent des revenus. Le tuteur peut toutefois, sans autorisation, placer des fonds sur un compte ».
Mais est-ce qu’un contrat d’assurance-vie peut être assimilé à un « compte » au sens de l’article 501 du code civil ? permettant au tuteur de réaliser seul des versements complémentaires sans recourir au conseil de famille ou au juge des tutelles.
Avis de la Cour de cassationDans son avis du 18 décembre 2020 (3), la Cour retient que l’article 501 du code civil vise le placement sur un « compte », que n’est pas un contrat d’assurance-vie.
Elle retient, pour réaliser cette distinction, que :
- le contrat d’assurance-vie permet d’investir sur des unités de compte,
- de désigner le tuteur comme bénéficiaire du contrat, qui se trouverait alors en conflit d’intérêts,
Et ne peutdoncentrerdans la définition d’un « compte » visé par l’article 501 du code civil.
Elle précise également que le décret de 20082, qui classe le versementde nouvelles primes sur un contrat d’assurance sur la vie dans les actes de disposition, n’a pas été modifié, de sorte que l’accord du conseil de famille ou du juge est obligatoire pour tout versement complémentaire.
Ainsi, l’article 501 du code civil autorisant le tuteur à placer sans autorisation des fonds sur un compte ne sont pas applicables au versement libre de primes sur un contrat d’assurance-vie existant.
En cas de mauvaise application de ce principe et de réalisation d’un versement complémentaire par le tuteur sans l’accord du conseil de famille ou du juge des tutelles, il convient de régulariser au plus vite la situation afin d’obtenir cet accord à « postériori ». A défaut, la sanction est inévitable :
- nullité du versement réalisé sans accord préalable ;
- restitution au majeur protégé de la somme initialement placé ;
- engagement possible de la responsabilité du tuteur ;
- compensation pour « perte de chance ».
(1) Cass. 1ère civ, 18/12/2020, avis n° 20-70.00
(2) Décret n°2008-1484 du 22/12/2008
(3) Demande d’avis formée par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rouen.