Commentaires de Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income chez AllianzGI, en amont de la réunion de la BCE du 14 avril 2022.
• Face à des niveaux d’inflation historiquement hauts, la Banque centrale européenne devrait annoncer clairement, lors de sa prochaine réunion de politique monétaire, un retour aux fondamentaux de son mandat : assurer la stabilité des prix.
• La BCE devrait également confirmer l’arrêt de son programme de rachats de dette au 3ème trimestre et répéter sa volonté de monter les taux à la suite. Seule l’incertitude sur l’évolution de l’invasion des forces armées russes en Ukraine freine une action plus franche et plus rapide.
• Nous n’attendons pas de de calendrier de hausse des taux, mais la BCE pourrait indiquer sa volonté d’en faire davantage si l’inflation était amenée à être plus forte et plus persistante que prévu, ce qui continuerait à alimenter la correction haussière des taux en zone euro.
La Banque centrale européenne (BCE), qui avait fait un pas vers la normalisation de sa politique accommodante en mars, en accélérant le rythme de retrait progressif de ses rachats de dette mais sans ouvrir la porte à une hausse des taux au troisième trimestre, est sous pression :
• L’inflation ne cesse de grimper et surprendre à la hausse. Avec un taux annuel à 7.5% en mars contre 5.9% en février, et 6.7% attendu, elle est désormais à un plus haut historique et à presque 4 fois l’objectif de la BCE.
• Les anticipations d’inflation ont entamé une dérive haussière, avec un 5y5y swap inflation à 2,3% contre 1,9% en début d’année, et au-delà de l’objectif moyen terme de la BCE de 2%. S’il n’y a pas à ce jour de boucle prix – salaire en zone euro, les augmentations de salaire restant contenues, le risque d’un désancrage des anticipations et d’effets de second tour s’est accru.
• Le contexte international est au resserrement des politiques monétaires, la Reserve fédérale américaine ayant notamment annoncé être très déterminée à relever vite et fort ses taux et à réduire rapidement la taille de son bilan.
• Enfin, le contexte économique et financier incertain, très perturbé par l’invasion russe en Ukraine, se traduit par un choc additionnel d’inflation, notamment sur les prix de l’énergie et de l’alimentation.
Dans ces conditions, il parait difficile pour la BCE de justifier le réglage très accommodant de sa politique monétaire. Lors de la prochaine réunion, elle devrait donc annoncer, comme le fait haut et fort la Fed, un retour aux fondamentaux de son mandat : assurer la stabilité des prix. Quel que soit le profil de l’inflation dans les prochains mois, et même si une décélération est le plus probable, comme souligné récemment par plusieurs membres du Conseil, il est inconcevable pour la banque centrale de rester passive face aux niveaux des prix actuels. D’autant que la stabilité financière, son second mandat, ne semble pas à ce stade en danger compte tenu des niveaux des spreads et des indices manufacturiers (PMI).
Les minutes du Conseil des gouverneurs du 10 mars confirment d’ailleurs que ce thème est de plus en plus présent dans les discussions. La divergence entre ses membres s’est accrue, mais le rapport de force penche de plus en plus en faveur d’un resserrement rapide. Seule l’incertitude sur le conflit en Ukraine reste un frein à une action plus franche et plus rapide.
Nous estimons que la BCE devrait donc confirmer l’arrêt de l’Asset Purchase Programme (APP) pour le 3ème trimestre, et même peut-être annoncer une date précise. La BCE devrait également répéter sa volonté d’augmenter les taux à la suite de l’arrêt des achats d’actifs.
Les marchés anticipent deux hausses de 25pb avant la fin de cette année. Soucieuse de se ménager des marges de manœuvre, la BCE ne devrait pas communiquer de calendrier mais pourrait indiquer sa volonté d’en faire éventuellement davantage si l’inflation était amenée à être plus forte et plus persistante que prévue, ce qui continuerait à alimenter la correction haussière des taux en zone euro.
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